Elles ne sont que 5 à 10 % de pilotes de ligne dans le monde. Une place chèrement gagnée au prix de bien des dangers… et préjugés.
« Une femme qui s’épanouit dans le ciel n’aura plus jamais sa vie dictée par le temps libre d’un homme », écrit une journaliste et pilote américaine en 1930. Dès les débuts de l’aviation, à l’aube du XXe siècle, les aventurières des airs tentent de s’imposer dans un univers masculin. À l’aide d’archives, le documentaire « Les Pionnières de l’aviation », diffusé sur Arte samedi à 22h25, rend hommage à ces héroïnes ayant dû braver vents et tempêtes pour se faire une place dans le ciel.
Y a-t-il une femme dans l’avion ?
Très tôt, les dames s’illustrent dans des prouesses aériennes. En 1911, Melli Beese devient la première Allemande à obtenir son brevet de pilote. Non sans mal. « Certains instructeurs ne voulaient pas lui donner cours et les étudiants n’ont eu de cesse de la saboter. Ils vidaient le carburant de son réservoir, desserraient les fils des commandes ou remplaçaient les bougies par des défectueuses », renseigne la RTBF. L’année suivante, elle ouvre sa propre école de vol.

À la même période, la Hongroise Lilly Steinschneider et la Française Marie Marvingt mettent leur vie en péril pour briller lors de meetings aériens. Cette dernière, surnommée « la fiancée du danger », survit même au crash de son avion.
Guerre des jupons
La Première Guerre mondiale freine leur envol… Les femmes sont exclues de l’aviation militaire. La téméraire Marie Marvingt se déguise en homme pour rejoindre l’Armée de l’air. Démasquée, elle sera acceptée en tant… qu’infirmière. Melli Beese, forcée de fermer son école, se suicide ! La baronne française Raymonde de Laroche, actrice ayant troqué les planches pour le cockpit, insiste. Après tout, elle est la première femme brevetée au monde ! « Trop dangereux pour les femmes », lui répond-on. « Je suis née pour voler », rétorque-t-elle. En vain.

En guise de consolation, elle est engagée comme chauffeur d’officiers. Après la guerre, elle reprend les compétitions et pulvérise les records. Rien ne l’arrête. Si ce n’est son accident fatal, en 1919, en voulant devenir la première femme pilote d’essai.
Crash test
Dès les années 1920-30, l’aviation devient un terrain d’émancipation… et d’accidents. « Il n’y avait pas de ceinture ni même de toit pour retenir le pilote », précise National Geographic. « Ce qui n’a pas empêché certaines femmes de risquer leur vie pour la liberté promise par ces vols. » Considérant l’aviation comme « un moyen d’atteindre l’égalité raciale et des sexes », Bessie Coleman, Afro-Américaine, dut quitter les États-Unis – qui lui interdisaient l’accès au pilotage en raison de sa couleur de peau – pour la France. Elle meurt dans un crash en 1921, avant d’avoir pu ouvrir son école.

Amelia Earhart est une autre pionnière américaine. Première femme à traverser l’Atlantique en solitaire en 1932, cette militante féministe encourage ses consœurs à poursuivre leurs rêves d’aviation. Son avion disparaît en plein tour du monde…

Chasse aux sorcières
Durant la Seconde Guerre mondiale, les femmes sont enfin aux manettes. Mais leur nombre est difficile à établir en raison de la nature informelle ou clandestine de leur engagement. En URSS, des régiments féminins sèment la terreur parmi les nazis. À bord de leurs biplans, les combattantes-fantômes coupent leur moteur pour planer silencieusement la nuit et larguer leurs bombes. Si ces héroïnes de l’air ont marqué l’Histoire, aujourd’hui, elles restent rares dans les cockpits. Souvent prises pour des hôtesses de l’air, il leur faudra encore remuer ciel et terre pour que les préjugés battent enfin de l’aile !
Même une femme peut le faire !
« Je n’ai jamais eu peur de voler. Ce qui m’effrayait, c’était de ne pas essayer », déclare la Tournaisienne Hélène Dutrieu. La Belge, fan de loopings, fut utilisée comme argument marketing par les constructeurs d’engins volants. « Même une femme sait piloter cet avion ! », se targuent-ils. Ici, sur le lac de Côme en 1912, elle impressionne les Italiens, qui commandent plusieurs prototypes de son hydravion.
Hélène Dutrieu
Bettmann Archive
Cet article est paru dans le Télépro du 26/6/2025