La couronne impériale, icône européenne

La couronne impériale, l’une des plus belles pièces d’orfèvrerie du Moyen Âge © Corbis/VCG via Getty Images
Stéphanie Breuer Journaliste

Chef-d’œuvre d’orfèvrerie, le plus célèbre joyau du Saint-Empire romain germanique reste auréolé de mystères. Ce samedi à 22h25, Arte diffuse le documentaire « La Couronne du Saint-Empire - Un témoin de notre histoire ».

Ses chiffres donnent le tournis : 172 pierres précieuses (saphirs, grenats, émeraudes…) et plus de 800 perles serties dans un joyau d’or et d’émail de trois kilos, orné de représentations bibliques. Conservée dans le Trésor impérial de Vienne (au château de la Hofburg), la couronne du Saint-Empire romain germanique est encore loin d’avoir révélé tous ses secrets. Ses origines font toujours l’objet d’une enquête pluridisciplinaire (à découvrir samedi sur Arte). Car on ignore encore la date de sa création – sans doute entre 950 et 1150 -, le lieu de sa création – Cologne, Milan, Sicile, Byzance… – et son ou ses créateur(s).

Protocole immuable

Si les historiens ont longtemps cru à tort que Charlemagneavait porté cette couronne, ils pensent désormais qu’elle a pu être inaugurée par le premier empereur, Otton Ier. Dans cette puissance disparue (qui a dominé l’Europe de 962 à 1806), l’Empereur ne portait la couronne impériale qu’une seule fois au cours de son règne : lors de son sacre. Il faut dire qu’il n’était pas aisé de faire tenir sur une tête humaine cette coiffe de près de 30 cm de diamètre et de 3 kilos ! Lors du couronnement, régi par un protocole immuable, le souverain pouvait à peine bouger en raison du poids des insignes impériaux, appelés « regalia ». Car, outre la couronne, il devait aussi se munir de l’orbe, de l’épée et du sceptre. « Lors des couronnements, les  » regalia  » marquaient et instauraient le transfert d’autoritéd’un souverain à son successeur, assurant la continuité au cœur même du changement », écrit Dagmar Paulus dans « De Charlemagne à Hitler : la couronne impériale du Saint-Empire romain et son symbolisme ».

Pendant des siècles, Aix-la-Chapelle accueille cette cérémonie, une tradition remontant au sacre de Charlemagne qui en avait fait sa capitale. La forme octogonale de la couronne est d’ailleurs sans doute une référence au plan de la chapelle palatine aixoise. Dans cet immense empire – à son apogée, il occupe la moitié de l’Europe -, le pouvoir n’est pas héréditaire et la procédure pour être désigné empereur est complexe. Le candidat est d’abord élu roi des Romains par les princes de tout l’Empire réunis à Francfort, il est ensuite couronné comme tel à Aix-la-Chapelle, avant d’être sacré symboliquement empereur de Rome par le Pape.

Autre particularité, le Saint-Empire rassemble, pendant près d’un millénaire, des nationalités, des langues et des religions différentes. Ainsi, pendant des siècles, il ne dispose pas de capitale. Les empereurs séjournent tour à tour dans leurs différents palais et châteaux et la couronne suit la Cour. Tantôt gardés en Allemagne, en Tchéquie ou en Hongrie, les regalia sont confiés, en 1424, à la ville de Nuremberg, où ils sont acheminés en cachette à bord d’un bateau rempli de poissons ! Conservé au cœur de la ville, ce trésor y est montré au public une fois par an.

De Nuremberg à Vienne

Les guerres suivant la Révolution française menaçant leur sécurité, les regalia sont transportés, vers 1800, à Vienne, où réside le dernier souverain, François II de Habsbourg. Six ans plus tard, lorsque Napoléon provoque la chute du Saint-Empire, ils entrent au musée du Trésor impérial. La couronne ne quittera la capitale autrichienne qu’à une seule reprise : transportée à Nuremberg par les nazis, elle est ramenée à Vienne en 1946 par l’armée américaine.

Symbole du pouvoir suprême, la couronne impériale, qui a accompagné les soubresauts du continent durant près de mille ans, reste un objet de vénération que le public et les têtes couronnées d’Europe continuent de venir admirer. Et, malgré les recherches scientifiques qui se poursuivent, cet objet unique restera sans doute à jamais une énigme…

Cet article est paru dans le Télépro du 18/9/2025

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