Chef-d’œuvre de la Renaissance, « La Naissance de Vénus » (vers 1484) fascine depuis plus de cinq siècles. Comment expliquer sa célébrité ? Vendredi à 22h55 avec le documentaire « La Vénus de Botticelli, naissance d’une icône », France 5 retrace l’histoire de ce tableau mythique.
À l’origine, cette œuvre n’était pas destinée au public. Sur une commande privée des Médicis, Sandro Botticelli – de son vrai nom Alessandro Filipepi, surnommé « Botticelli » (petit tonneau) à cause de son frère rondouillard -, se lance dans un projet ambitieux : représenter la beauté à l’état pur. Sa Vénus surgit d’un coquillage, telle une perle, portée par les vents et accueillie par une nymphe prête à la vêtir. Quoi ? La déesse est nue ? Au Moyen Âge, la nudité est taboue, tolérée seulement dans les scènes religieuses. Mais au XVe siècle, à Florence, à l’heure de l’humanisme renaissant, on redécouvre les textes antiques et la mythologie. Botticelli ose le nu profane, frontal, grandeur nature. Un scandale !
Hommage à sa muse
Pour réaliser cette immense toile (172,5 × 278,5 cm), exposée à la galerie des Offices à Florence, il utilise une vieille technique : la tempera. Cette peinture à base de pigments broyés et de jaunes d’œuf, aussi employée par Léonard de Vinci pour sa « Cène » (v. 1495), confère au tableau des couleurs mates et douces, le rendant presque irréel. Son modèle, lui, a bien existé ! Il s’agit de Simonetta Vespucci, considérée comme la plus belle femme de Florence. Ce qui lui valut le surnom de « La sans pareille ».

Morte à 23 ans, elle fut la maîtresse de Julien de Médicis et la muse adorée des artistes, dont Botticelli, qui la croque aussi dans « Le Printemps » (v. 1480).
Néoplatonisme
Par respect, le peintre florentin use d’artifices pour incarner cette beauté idéale, figure presque sacrée à la croisée de Vénus et de la Vierge : les cheveux recouvrant les organes génitaux, la posture pudique… Qui n’est pas sans rappeler celle des statues grecques, dite « contrapposto » : un déhanchement subtil où le poids du corps repose sur une jambe tandis que l’autre est relâchée.
Cette pose donne au personnage une grâce naturelle, sans toutefois respecter les proportions antiques : le cou est volontairement long, les épaules étroites. Botticelli ne copie pas l’Antiquité, il la réinvente ! Surtout, il ne peint pas une femme nue, mais une idée de l’amour idéal, à la fois céleste et terrestre. C’est le cœur du néoplatonisme, une philosophie humaniste héritée de Platon (IVe siècle av. J.-C.), très en vogue à la cour des Médicis.
Nombre d’or
La composition du tableau obéit à des règles mathématiques précises selon le principe du nombre d’or, une proportion idéale depuis l’Antiquité. Le corps de Vénus s’inscrit ainsi dans un triangle imaginaire : tête au sommet, bras et chevelure s’ouvrant en diagonale, base suggérée par la coquille. Chaque détail guide le regard de manière harmonieuse.
Des flammes à la lumière
À la mort de son protecteur, Laurent le Magnifique, en 1492, le peintre subit, comme beaucoup de Florentins, l’influence du moine rigoriste Savonarole qui organise le célèbre « bûcher des vanités ». Des œuvres jugées impies sont brûlées. Par miracle, le nu païen de Botticelli survit à la censure. Mais sa peinture se fait plus austère. La concurrence face à la nouvelle génération d’artistes, tels Michel-Ange, Raphaël et autres de Vinci, l’enfonce dans l’oubli. Ce n’est qu’au XIXe siècle que sa Vénus devient un symbole de la Renaissance. Aujourd’hui, elle est même une icône pop, maintes fois détournée, imprimée et analysée. Allégorie d’une Florence renaissante ou célébration de la beauté féminine ? Au-delà des symboles, cette œuvre nous interroge encore…
Cet article est paru dans le Télépro du 9/10/2025