Peu d’écrivains ont mené une vie aussi exaltante que cet officier de marine qui trouva dans ses voyages l’inspiration d’œuvres exotiques.
De son vrai nom Julien Viaud, Pierre Loti (1850-1923) s’est engagé dans la Marine en hommage à son frère, officier mort en mer. Son pseudo ferait référence à une fleur reçue en cadeau à Tahiti, l’une de ses premières escales. Sous son uniforme se dissimulait une personnalité excentrique et hédoniste aux mœurs ambivalentes qui s’exprimèrent dans ses récits, tous quasi autobiographiques. Ceux-ci reflétèrent aussi sa passion d’un ailleurs et sa joie de s’imprégner de singulières façons de vivre.
Quête étourdissante
Surdoué, Loti fut aussi journaliste, graphiste, peintre, collectionneur d’art, acrobate, plongeur et culturiste, ce loisir lui permettant d’entretenir son corps qu’il aimait faire immortaliser. Contemporain de Flaubert, Daudet, Goncourt, Zola et Proust, Pierre Loti aurait pu faire carrière en son pays mais préféra fuir une famille et une société trop amidonnées pour s’étourdir dans un tourbillon de découvertes culturelles et amoureuses. Parmi ses best-sellers, « Le Mariage de Loti » (1880), « Le Roman d’un Spahi » (1881) et « Mon frère Yves » (1883) (avec l’un des premiers héros centraux homosexuels de la littérature moderne), on trouve « Aziyadé » (1879), prénom féminin cachant l’identité d’une Tcherkesse (du nord-ouest du Caucase) avec laquelle il eut une liaison interdite mais ardente.
Soirées costumées
Ramenant de ses tribulations momies de chats égyptiens, dents de cachalot, mobiles japonais, bracelets sénégalais, l’homme les exposa dans sa maison de Rochefort-sur-Mer (à découvrir dimanche soir sur France 5), dont chaque recoin fut décoré différemment afin de reconstituer ses séjours. Sa salle à manger est, encore aujourd’hui, un « Salon gothique » de style espagnol, tandis qu’une pièce baptisée « La Mosquée » lui servit de refuge de méditation.
Toujours avide d’être un autre que lui-même, l’auteur arborait des habits venus d’ailleurs au cours de ses soirées costumées et fantasques, organisées en présence de photographes et de célébrités de l’époque : la princesse Alice de Monaco, la reine Élisabeth de Roumanie ou encore la sulfureuse actrice Sarah Bernhardt. Lorsqu’il rejoint l’Autre Monde pour l’éternité, la France lui offrit des funérailles nationales. Une énième mise en scène grandiose qui ne lui aurait pas déplu…
Cet article est paru dans le Télépro du 14/08/2025.