Une anomalie dans l’espace détraque les satellites et les vaisseaux spatiaux qui passent dans sa zone. Elle intrigue les scientifiques.
Le Triangle des Bermudes est sans doute une des énigmes qui alimentent le plus les fantasmes humains. Énigme ? La disparition de navires et d’avions dans cette zone de l’Atlantique située entre Miami, Porto Rico et l’île des Bermudes est pourtant largement expliquée. Malgré tout, un parfum de mystère plane encore, alimenté, notamment, par le cinéma. Alors, quand certains surnomment « Triangle des Bermudes de l’espace » le phénomène abordé ce mercredi sur La Une à 23h par « Matière grise », de quels secrets et diableries va-t-il être question ? Pas de panique, tout est sous contrôle.
20.000 lieues sous la terre
On l’appelle l’Anomalie magnétique de l’Atlantique Sud (ASA). Depuis 1960, des scientifiques s’intéressent de près à des phénomènes spatiaux étranges observés au-dessus d’une zone allant de l’Amérique du Sud à la pointe sud de l’Afrique, du Brésil à l’Afrique du Sud. Des satellites qui y passent sont abîmés, les systèmes de navigations des bateaux et avions sont altérés… Les raisons de ces perturbations spatiales se trouvent à des milliers de kilomètres sous nos pieds, au cœur de la Planète bleue, dans le noyau externe, composé de fer liquide et d’un peu de nickel. En tournant sur lui-même (comme une dynamo, d’où le nom de géodynamo), ce noyau métallique crée des courants électriques, eux-mêmes à l’origine d’un champ magnétique, le champ magnétique terrestre, apparu il y a des milliards d’années. Ce champ crée une bulle magnétique, un bouclier, autour de la Terre : la magnétosphère. Comme l’indique l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique (IASB), celle-ci nous protège des agressions extérieures comme les rayons cosmiques et les particules énergétiques du vent solaire. Problème : le champ magnétique n’est pas uniforme autour du globe.
Bouclier fendu
« Il existe des régions où l’intensité (magnétique) est très forte, d’autres où elle est très faible », explique le portail scientifique Futura. Un affaiblissement de 30 % par rapport à la moyenne mondiale. « On parle alors d’anomalies du champ magnétique. La plus importante est l’anomalie négative de l’Atlantique Sud. » Nous y voilà. Conséquence de cette intensité magnétique faible : les satellites en orbite sont moins bien protégés contre les radiations solaires quand ils passent au-dessus de l’Atlantique Sud, « au point que certains, comme (le télescope spatial) Hubble, ne réalisent tout simplement aucune mesure dans cette zone, afin de limiter les risques d’avaries ». Cette anomalie affecte le fonctionnement de certaines technologies.
Alerte dans l’espace
Les instruments et systèmes électroniques transportés à bord des satellites peuvent être endommagés et les données qu’ils transmettent erronées. Le blog Mind the Graph signale les problèmes rencontrés par le satellite GOES-13, problèmes qui ont affecté ses capacités de surveillance météorologique. La navigation maritime et aérienne peut aussi être touchée. « Des imprécisions peuvent affecter les trajectoires de vol et la sécurité. » La remarque vaut aussi pour les itinéraires des bateaux et la navigation. La Nasa et l’Esa (Agence spatiale européenne) sont sur le coup. Des innovations apparaissent tant au niveau de la conception des satellites (notamment au niveau du blindage) que dans celle des systèmes de navigation (algorithmes pour corriger les erreurs). Dans le même temps, les observations de la zone se poursuivent. L’anomalie, encore largement incomprise, continue de s’étendre et de s’intensifier. Il y a deux ans, l’Esa révélait qu’elle avait augmenté d’au moins 5 % au cours des trois dernières années.
Cet article est paru dans le Télépro du 8/5/2025