Entre 1946 et 1948, l’équivalent asiatique du procès de Nuremberg se tient à Tokyo : les dirigeants japonais doivent répondre de leurs crimes de guerre.
Il devait être rapide et sévère. Il fut long (deux ans et demi) et plutôt clément. Le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, créé pour juger les criminels de guerre japonais de la Seconde Guerre mondiale lors du procès de Tokyo, a souvent été décrié. Son histoire méconnue est racontée mardi soir sur France 2, dans le documentaire « Procès de Tokyo, le Nuremberg oublié ».
Sans Hirohito !
Après la capitulation sans conditions du Japon le 15 août 1945, le général américain MacArthur et ses troupes débarquent sur l’archipel nippon. Objectif ? Démocratiser ce pays responsable de conquêtes brutales en Asie et dans le Pacifique et dirigé par un empereur se considérant comme un dieu vivant.
Malgré la destruction de tous les documents compromettants, les Alliés décident de juger, sur le modèle du procès de Nuremberg, les responsables japonais de ces massacres. La période retenue va de 1928 à 1945. Soit dix-sept ans durant lesquels de nombreux gouvernements et ministres se sont succédé, mais avec toujours à leur tête un seul et même homme : l’empereur Hirohito. Pour autant, pour des raisons politiques, ce dernier ne sera pas inquiété.
Opportunisme
Douglas MacArthur, le représentant des États-Unis au Japon, est convaincu que le maintien de l’Empereur, seul élément stable dans ce pays ravagé par la guerre, est le garant d’une occupation américaine sans accroc. Et en ce début de guerre froide, Hirohito semble la personne idéale pour offrir un rempart contre le communisme.Ce sont donc vingt-huit des plus hauts dignitaires japonais présumés coupables de crimes de guerre qui se présentent dans le box des accusés lors de la première audience, le 3 mai 1946. À l’ouverture des débats, onze juges sont présents, représentant les puissances alliées dans la guerre du Pacifique (États-Unis, Australie, Grande-Bretagne, France, Chine, Inde, Philippines…).
Débats biaisés…
« Il n’y a pas eu de procès criminel plus important que celui-ci dans toute l’Histoire ! », proclame l’Australien William Webb, président de la Cour, avant la lecture des 55 chefs d’accusation, parmi lesquels figurent des massacres de masse (dont le sac de Nankin), des tortures, des viols et des atrocités barbares. Mais l’absence du principal responsable, dès le départ, biaise les débats.
Lors de sa déposition, le Premier ministre Hideki Tojo déclare qu’aucun Japonais n’aurait agi en désobéissant à l’Empereur. William Webb tente d’amener Hirohito à la barre, si ce n’est en tant qu’accusé, au moins en tant que témoin. En vain !
Mascarade
Le lendemain de sa première déclaration, Tojo, en parfait bouc émissaire, change son fusil d’épaule et prétend finalement avoir désobéi à son souverain. Ensuite, le procès, qui devait être un modèle de justice internationale, s’enlise : traductions interminables, tensions politiques, désaccords entre magistrats et l’ombre croissante de la guerre froide transforment le procès en mascarade.
Le 6 avril 1948, les débats prennent fin. La cacophonie qui a régné durant le procès se poursuit durant les délibérations, qui dureront sept mois. En novembre 1948, un verdict est finalement rendu : seize prévenus sont condamnés à la prison à vie, deux à des peines plus légères et sept à la mort par pendaison. Deux autres meurent durant le procès et un est écarté pour « troubles mentaux », qui disparaissent miraculeusement après le procès !
Cet article est paru dans le Télépro du 31/07/2025.