Les animaux portent-ils le deuil ?

Image extraite du "Chagrin des animaux " de Jacques Mitsch © O2B FILMS
Christine Masuy Journaliste

Perdre un être cher, ça fait mal… Mais qu’en est-il dans le monde animal ? Les animaux ont-ils du chagrin quand ils perdent un petit ou un ami ?

Stupeur, chagrin, colère, douleur… Un cocktail d’émotions nous envahit lorsqu’on apprend le décès d’un parent, d’un ami, d’un collègue, d’un voisin… Mais qu’en est-il chez les animaux ? Comment réagissent-ils à la mort d’un de leurs congénères ? Comprennent-ils ce qu’est la mort ? Ont-ils des rites funéraires ? Ces questions sont au cœur du documentaire proposé samedi à 22h25 par Arte : « Le Chagrin des animaux – Mythe ou réalité ? ».

Haie d’honneur

Que ressent un animal à la mort de son petit ou d’un membre de son groupe ? C’est l’objet d’étude d’une science toute récente : la thanatologie animale comparée. Au croisement de la biologie et de l’éthologie, cette discipline examine les réactions de différentes espèces animales face à la mort. Elle s’est popularisée à l’automne 2009, quand le National Geographic a publié la surprenante photo de l’enterrement d’une femelle chimpanzé au Cameroun. Dorothy, la quarantaine, meurt soudainement d’une crise cardiaque, dans le centre de sauvetage où elle vivait depuis une dizaine d’années. Lorsque son corps fut emporté, ses congénères se réunirent en une espèce de haie d’honneur pour l’accompagner. Blottis les uns contre les autres, ils semblaient affectés par le décès de leur amie…

Instinct de survie

Face à un tel cliché, le risque d’anthropomorphisme est grand : on attribue aux animaux des émotions humaines qu’ils n’ont peut-être pas… La thanatologie animale veille donc à faire la part des choses, pour tenter de comprendre si la mort suscite réellement des émotions chez les animaux. Première question : l’animal est-il capable de distinguer un congénère mort d’un congénère vivant ? La réponse est oui, toutes les observations le prouvent. Deuxième question : les animaux ont-ils des rituels funéraires ? Sans doute, mais certains comportements que l’on prend pour des rites ont d’abord un objectif sanitaire. Ainsi, si les termites enterrent soigneusement leurs morts, si les fourmis et les abeilles transportent les corps hors de la colonie, c’est pour protéger le groupe des agents pathogènes susceptibles de se développer sur le cadavre.

Le temps du deuil

Chez les mammifères sociaux, en revanche, la mort d’un proche peut entraîner une véritable réaction comportementale. On a ainsi observé des mères chimpanzés porter le corps de leur bébé mort pendant plusieurs semaines. Elles le bercent, le toilettent, le protègent. Certains grands félins transportent celui de leur petit dans leur gueule. Les mères dauphins le remontent à la surface… Pour les scientifiques, ces mères ont besoin de temps pour se détacher émotionnellement de leur petit. Ce « portage post-mortem » est donc, pour elles, une indispensable période transitoire.

Adieu…

Parmi les animaux qui vivent en groupe, les congénères ont également un comportement d’adieu : ils viennent voir le mort, comme nous allons rendre visite au funérarium. Ont-ils pour autant du chagrin ? Et que comprennent-ils de la mort ? Ce n’est pas évident. Chez l’humain, l’enfant doit avoir une dizaine d’années pour bien réaliser que la mort est irréversible et qu’elle nous concerne tous. Sur ce point, la conscience animale reste à explorer.

Cet article est paru dans le Télépro du 11/12/2025

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