Les tunnels oubliés de la Première Guerre mondiale

Sous la ville d’Arras en ruine, d’octobre 1916 à avril 1917, des tunneliers néo-zélandais creusent à coups de pioche des kilomètres de galeries, capables d’accueillir jusqu’à 24.000 soldats, en préparation de la bataille d’Arras, le 9 avril 1917. © FF Production

Pendant la Première Guerre mondiale, des Néo-Zélandais creusent une ville souterraine pour surprendre l’ennemi allemand. Longtemps tombée dans l’oubli, leur extraordinaire histoire est à nouveau exhumée.

«Ce n’est pas de la folie, c’est du génie ! » Près de cent ans plus tard, un historien ne peut retenir son admiration face à cet épisode presque oublié de la Grande Guerre. Entre 1916 et 1917, en plein conflit mondial, des centaines de tunneliers arrivent à Arras, dans le nord de la France. Ils viennent de Nouvelle-Zélande. Leur mission : creuser d’immenses galeries souterraines entre les lignes alliées et les tranchées allemandes. Objectif : utiliser les sous-sols pour faire sortir par surprise des unités entières à quelques mètres seulement des tranchées ennemies et mettre fin à la guerre par un assaut inédit. Samedi à 20h35 sur La Trois, l’émission « Retour aux sources » revient sur cette incroyable histoire oubliée.

Sous les pavés, l’espoir

Arras, octobre 1916. Sur les photos d’époque en noir et blanc, difficile de reconnaître la sémillante ville du Pas-de-Calais. Depuis le début du conflit et l’arrivée des Allemands dans la région deux ans plus tôt, les bombardements quotidiens l’ont défigurée.

L’Hôtel de Ville d’Arras en 1917 © Getty Images

Quelques centaines d’Arrageois sont restés. Mais ce sont surtout les soldats qui occupent la ville. Principalement des troupes de l’armée britannique, soutenue par des unités du Commonwealth : Canadiens, Australiens… et Néo-Zélandais.

20 mètres sous terre

Comment repousser les Allemands ? L’état-major a cette idée aussi audacieuse qu’étonnante. La cité artésienne est rasée en surface. En revanche, son sous-sol est intact. Depuis le Moyen Âge, de nombreuses galeries sont creusées sous la ville pour en extraire des blocs de craie utilisés pour construire des bâtiments, des murailles, des monuments. Les carrières ne sont plus exploitées depuis deux cents ans, mais les galeries sont toujours là. L’état-major est formel : y a plus qu’à !

Les Kiwis sont là

Plus qu’à quoi ? Relier entre elles ces cavités souterraines par de nouveaux tunnels. Et pour cela, les Britanniques ont ce qu’il faut sous la main : des tunneliers néo-zélandais. Venus de l’autre bout de la planète, cinq cents professionnels de l’excavation (parmi lesquels des Maoris) arrivent sur place en octobre 1916. Le travail commence. Chaque jour, ils creusent jusqu’à 80 mètres de galerie à la pioche. Pour se repérer dans le dédale des salles, ils donnent à chaque tronçon le nom d’une ville néo-zélandaise, Auckland, Kia Ora, Wellington… Après six mois, ils voient le bout des tunnels.

L’assaut

En mars 1917, l’ensemble du réseau fait 22 kilomètres. Il est conçu comme une ville, capable de répondre à tous les besoins d’une population de plusieurs milliers de soldats. « Voie ferrée, eau courante, électricité, hôpital de 700 lits, dentiste, latrines, cuisines, douches, outils de communication, arsenal… Tout y est », énumère le Bureau touristique Arras Pays d’Artois.

24.000 hommes cohabitent à 20 mètres sous terre. Jusqu’au 9 avril. À 5h30 précises, les accès de deux galeries explosent. Simultanément, les soldats britanniques et du Commonwealth surgissent de terre, face aux tranchées allemandes. « Les Allemands sont stupéfiés (…). On raconte même que les Écossais auraient été pris pour des femmes par les Allemands ». L’offensive progresse de dix kilomètres en trois jours, Arras est désormais hors de portée de fusil…

Épilogue

De manière un peu inexplicable, cette histoire incroyable tombe ensuite dans l’oubli. Il faut attendre 1990 pour que des archéologues redécouvrent l’existence des galeries. Celles qui ont permis d’épargner la vie de nombreux soldats alliés, connues sous le nom de Carrière Wellington, sont aujourd’hui devenues un lieu de mémoire de la Première Guerre mondiale. Visiteurs claustrophobes s’abstenir. •

À visiter

carrierewellington.com

Cet article est paru dans le Télépro du 30/10/2025

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