Les (vrais) aventuriers de l’Arche perdue

L'église Notre-Dame de l'Arche d'Alliance, au sommet de la colline, a été construite en 1924 sur les ruines du monastère byzantin des IVe et Ve siècles © GEDEON Programmes

Qu’est devenue l’Arche d’alliance, les Dix Commandements dictés par Yahvé à Moïse ? Entre textes religieux, fouilles archéologiques et haute technologie, une enquête tente d’élucider le mystère du coffre sacré qui contenait les tables de la Loi et de remonter aux sources de la Bible.

En 2020, Thierry Ragobert filme la fouille de la colline de Kiriath-Jearim, 12 km à l’ouest de Jérusalem (à revoir samedi sur Arte), seul site biblique en Israël à n’avoir jamais été exploré par les archéologues. Rencontre avec Thomas Römer, bibliste et administrateur du Collège de France, qui a codirigé la mission scientifique.

Thomas Römer, pourquoi l’Arche d’alliance continue-t-elle de susciter une telle fascination ?

En partie en raison de sa disparition mystérieuse, qui intrigue puisqu’elle n’est plus mentionnée dans la Bible après la destruction du Premier Temple par les Babyloniens en 587 avant notre ère. Toutes sortes de théories se sont développées autour du destin de ce coffre insaisissable : transfert en Éthiopie, enterrement au fond du lac de Galilée, sous la cathédrale de Chartres… Même les nazis s’y sont intéressés. Le film « Indiana Jones » (qui sera diffusé vendredi 29 août sur Plug RTL, ndlr) a contribué à nourrir ce fantasme millénaire.

Qu’en dit la Bible ?

Selon le récit biblique, cette Arche, qui contient les tables de la Loi reçues par Moïse sur le mont Sinaï, est transportée par les Hébreux lors de la conquête de la Terre promise jusqu’au sanctuaire de Silo, dans le nord d’Israël. Lors d’une guerre, les Philistins s’en emparent, mais elle leur attire une telle série de désastres qu’ils se résignent à la rendre aux Hébreux. Elle parvient ainsi à la ville israélite de Bet Shemesh, où la colère divine s’abat à nouveau sur les habitants qui auraient tenté de l’ouvrir. Pour s’en débarrasser, ils l’envoient sur la colline de Kiriath-Jearim − le site que nous avons fouillé − avant que le roi David ne l’y fasse chercher pour l’installer à Jérusalem au Xe siècle avant notre ère. Salomon, le fils de David, enfin, l’aurait placée dans le saint des saints du Temple qu’il a construit.

Pourquoi vous lancer sur ses traces ?

L’idée n’était pas de retrouver l’Arche, il s’agissait de comprendre le rôle de ce magnifique site biblique, encore jamais exploré, de Kiriath-Jearim, dans un pays, Israël, certainement le plus fouillé au monde. L’absence d’investigations archéologiques sur cette colline s’explique par la présence au sommet d’un monastère et d’une église, protégés par la France, puisque des sœurs d’un ordre français, qu’il a fallu convaincre, s’y sont installées dans les années 1920, sur les ruines d’un sanctuaire byzantin.

Qu’avez-vous mis au jour au cours de cette mission ?

Notre découverte majeure concerne un mur de fortification trahissant la présence d’un ancien bâtiment ou d’un sanctuaire, qui aurait accueilli l’Arche, légitimant le lieu sur le plan religieux. Les technologies permettent de le dater du VIIIe siècle avant notre ère, soit près de deux siècles après la date de l’installation de l’Arche à Jérusalem par David, selon le récit biblique. À l’époque, deux royaumes coexistaient : celui du nord, Israël, et celui du sud, Juda, avec Jérusalem pour capitale. Selon moi, c’est Josias, roi de Juda, profitant plus tard de la disparition du royaume du nord, qui, au VIIe siècle avant notre ère, fait transférer l’Arche à Jérusalem, mais il dicte à ses scribes qu’elle s’y trouve depuis David, le fondateur sacré de la dynastie du sud. La Bible écrite dans cette perspective « sudiste » légitime ainsi l’autorité politico-religieuse de Jérusalem. Cette hypothèse reste à vérifier.

Cet article est paru dans le Télépro du 14/08/2025.

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