Samedi à 20h55 avec le documentaire « Émigrés européens, des récits oubliés », Arte s’intéresse aux habitants des régions rhénanes et germanophones qui se sont exilés à travers le monde du XVIIe au XIXe siècle. En réalité, l’Europe connaît les migrations depuis les premiers hommes qui l’ont peuplée…
Comment s’appelait-il ? Et elle ? Si la nuit des temps les a oubliés, elle se souvient encore de leur histoire, plus d’un million d’années plus tard. Ils viennent de loin, très loin, d’Afrique. Là-bas, le climat a changé. La savane s’est asséchée. Alors ces Homininés cherchent de la nourriture. Ils suivent les mouvements des animaux qu’ils exploitent. Kilomètre après kilomètre, pendant des centaines de milliers d’années. À travers toundras, steppes herbeuses et forêts de conifères, dans le froid des périodes glacières, certains d’entre eux arrivent jusqu’en Europe, en actuelle Géorgie.
Homo sapiens
Beaucoup plus tard, il y a entre 48.000 à 40.000 ans, c’est au tour d’Homo sapiens, le premier des humains modernes, d’arriver sur ce continent qui n’est pas encore « Vieux », par vagues successives. Il vient du Proche-Orient et à nouveau d’Afrique, notamment parce que la population y augmente trop. Cette fois, Homo sapiens s’installe définitivement. Dans la grotta del Cavallo, dans les Pouilles (Italie), dans la grotte de Kent (sud-ouest de l’Angleterre), en Roumanie…, les premières migrations connues par l’Europe laissent des traces de leur passage. De nombreux autres anonymes emboîtent le pas à ces premiers migrants.

Ba-ba pas si cool
Le temps passe. Au IIIe siècle, l’Empire romain est affaibli. Les barbares entrent en scène. Ainsi appelés parce que leurs langues étaient incompréhensibles (onomatopée : ceux qui font « ba-ba »), les Germains, initialement alliés, s’installent progressivement sur le territoire de Rome. Arrivent les Huns. À la fin du IVe siècle, ces nomades venus d’Asie attaquent les populations germaniques. Pression hunnique, panique germanique : des tribus entières fuient. En 406, les Vandales, les Suèves et les Alains (notamment) franchissent le Rhin (gelé) et entrent en Gaule. C’est la plus importante vague d’immigration qu’ait connue l’Empire romain depuis ses origines : 100.000 à 400.000 personnes selon les historiens, guerriers, mais aussi femmes, enfants et civils. Cette migration des peuples (en allemand : Völkerwanderung) s’achève en 568 par l’installation des Lombards en Italie.
Un pas après l’autre
Elle joue un rôle essentiel dans le passage du monde antique au monde médiéval. Disparition de l’Empire romain d’Occident et fragmentation de celui-ci en plusieurs royaumes, transformation des langues et fusion des cultures, diffusion du christianisme, instabilité politique, effondrement commercial… : les conséquences sont nombreuses et importantes. Ensuite ? « Protégés du monde extérieur et unis par la religion, les habitants (de l’Europe occidentale) bénéficient ainsi d’une grande stabilité en dépit des querelles féodales », explique le site consacré à l’histoire, Hérodote.net. Fini les grandes invasions. Place au « grand brassage médiéval, de l’An Mil au XVe siècle ». Pèlerins, moines, étudiants, marchands et soldats en sont les acteurs majeurs, de l’Espagne à la Pologne, de la Scandinavie et l’Angleterre à la Sicile.
Migrations « modernes »
Viendront ensuite les migrations économiques, puis, plus proches de nous, l’émigration transatlantique, les migrations intra-européennes, notamment de l’Italie vers d’autres pays européens pour le travail. Encore plus proches : la migration est-ouest, les vagues de réfugiés causées par des conflits, les persécutions religieuses, le climat, la misère… La migration fait partie intégrante de l’histoire de l’Europe, bien avant qu’elle ne s’appelle ainsi. De notre histoire, bien avant que nous ne soyons là. Un long chemin emprunté par nos ancêtres, plus ou moins éloignés, plus ou moins oubliés, plus ou moins assumés. Une longue et souvent courageuse route qui mène jusqu’à nous et à ce que nous sommes.
Cet article est paru dans le Télépro du 6/11/2025