Ce mercredi soir à minuit sur La Une, « Matière grise » nous fait frissonner avec un sujet bien de saison, la peur.
Même les plus braves d’entre nous connaissent ce sentiment : sueurs froides, boule dans l’estomac, tremblements… La peur nous gagne tous par moment. C’est bien normal et même vital. Tour d’horizon des différentes facettes de l’effroi humain.
Albert cherche son rat
Dans les années 1920, le psychologue John B. Watson, fondateur du comportementalisme, décide de répondre à la question : peut-on inculquer une peur ? Pour ce faire, il choisit un cobaye en la personne d’un bébé de 9 mois, nommé Albert. Dans un premier temps, on présente des rats à l’enfant, qui n’y voit aucun inconvénient. Les choses se corsent lorsqu’il décide de s’approcher des rongeurs et que Watson accompagne ce geste d’un son extrêmement violent. Après de longues séances, la vue de l’animal s’accompagne de hurlements de terreur pour Albert, même en l’absence de bruit. Heureusement, de récentes études ont permis d’établir de manière plus éthique que nous naissions naturellement avec deux peurs : celle de chuter, l’enfant a tendance à s’agripper quand il risque de tomber, et celle des bruits forts qui provoquent un sursaut, une crispation, voire des pleurs. Les autres peurs, qui apparaissent plus tard, sont induites par l’éducation et la société dans laquelle nous évoluons.
Courage, fuyons !
Si nous avions encore besoin d’une preuve pour démontrer à quel point notre corps est une machine ultraperfectionnée, la peur est un choix parfait. Face à une menace, notre cerveau déclenche une réponse appelée « combat-fuite ». Scientifiquement, notre amygdale envoie un signal de détresse à l’hypothalamus pour que ce dernier convoque notre système nerveux et lui donne l’ordre de libérer hormones et neurotransmetteurs comme le cortisol, la dopamine et l’adrénaline. Grâce à ces petits soldats, notre respiration s’accélère pour accélérer le rythme cardiaque. Le cœur puise dès lors un sang plus riche en oxygène. Nos muscles et notre cerveau sont ainsi mieux coordonnés, notre vue et notre ouïe s’affinent, notre concentration devient plus pointue. De son côté, l’adrénaline provoque non seulement un effet antidouleur, mais nous permet d’augmenter notre force et de courir sur une plus grande distance, sans fatiguer. Il ne manque qu’une cape et super-froussard est là !
Docteur, j’ai peur, c’est grave ?
Dans la galaxie des phobies humaines, soit la peur irraisonnée de quelque chose qui n’est pas dangereux, il y a les grands classiques comme les araignées (arachnophobie) ou le noir (nyctophobie), et de plus incongrues, comme celle des boutons de vêtements (fibulanophobie) ou du beurre (butyrophobie). Est-il possible de se débarrasser de ces peurs, parfois handicapantes ? Pour le savoir, retrouvons notre cher psychologue John B. Watson qui, quelques années après avoir traumatisé le pauvre Albert, a entrepris de soigner la phobie des lapins dont était atteint un enfant de 3 ans. Grâce à un contre-conditionnement, associant cette fois les animaux à des sensations agréables, comme des biscuits, Watson est parvenu à éteindre cette « cuniculophobie infantile ». La solution est-elle la même pour un adulte ? Non. Plutôt que de vous gaver de sucreries à chaque fois que vous angoissez, préférez une thérapie ciblée qui devrait durer environ une dizaine de séances, selon le degré d’installation de la phobie.
Docteur, j’aime avoir peur, c’est grave ?
Entre l’attrait fulgurant du public pour les « true crimes », soit le récit détaillé de la vie et l’œuvre de tueurs en série, les innombrables films d’horreur, l’amour pour Halloween ou l’entrain pour les attractions foraines terrifiantes, il semblerait tout de même que notre espèce aime se faire peur ! Est-ce bien normal ? En réalité, plutôt ! Les hormones libérées par la peur dont nous parlions, à savoir cortisol, dopamine et adrénaline, ont aussi le pouvoir de procurer, chez certains, un sentiment d’ivresse. Les amoureux de l’effroi recherchent tout simplement leur dose d’euphorisants. Attention toutefois, soumettre son corps à des frayeurs trop fréquentes peut s’avérer néfaste. « Avec un organisme constamment en » état d’alerte « , le corps peut s’épuiser », indique le National Geographic. « Cela peut entraîner des soucis de santé tels que l’hypertension artérielle, des troubles digestifs et un dérèglement du système immunitaire. »
Cet article est paru dans le Télépro du 23/10/2025