Marée basse : quel cinéma !

L’estran regorge d’une vie cachée © ARTE/CAPA Presse 2025

Quand la mer se retire, elle cède la place à un véritable huis clos aquatique. Le temps du flux, de l’étale et du reflux, habitants réguliers et visiteurs piégésse livrent des combats titanesques pour la survie. Un sujet évoqué ce mercredi à 20h55 sur Arte dans le documentaire « Le Grand cirque des marées ».

La mer qu’on voit danser ? Rideau, fini, terminé. Lassée de faire des vagues, de se casser le nez sur les rochers, de terminer sa course à bout de souffle sur le sable, effondrée, elle a décidé de se retirer. Le problème, c’est qu’elle laisse seuls en scène des artistes préférant jusque-là jouer les seconds rôles, en coulisses. Crabes, moules et autres figurants sous-marins : la mer les a bercés. Elle les laisse désormais têtes d’affiche, contraints et forcés, jusqu’à la prochaine marée. Le décor est planté. On frappe les trois coups. Coquillages et crustacés, sur la plage abandonnée, font leur entrée.

Le crabe : sans tambour ni trompette

Il est loin le temps de la marée haute, lointain aussi celui où il sortait de son terrier pour chasser, laissant madame s’approcher du rivage pour libérer ses œufs, qui écloront au contact de l’eau de mer. La marée basse arrivée, le crabe connaît son texte par cœur : se cacher, se reposer, manger. Peu adepte des bains de foule, il préfère se la jouer « Fantôme de l’opéra », dissimulé sous les algues, les rochers ou dans son terrier.

Le crabe s’apprête à entrer en mode survie

Côté « Grande bouffe », il profite de l’estran exposé pour chercher des détritus organiques, se sustenter et ainsi se préparer à la prochaine marée haute. Vous avez dit « estran » ? C’est une zone alternativement couverte et découverte par la marée. Pour éviter d’être en mode « À bout de souffle », le crabe maintient ses branchies humides avec l’eau qu’il a stockée dans ses cavités branchiales et continue à extraire l’oxygène de l’air.

La moule n’a pas la frite

Le rideau s’est levé sur la marée basse : les mollusques interprètent le remake de « Cliffhanger », un suspense vertical. « S’agripper fermement à son rocher ou la mort assurée », semblent se dire certains mollusques, à l’instar de Sylvester Stallone. Moules, balanes, bigorneaux, bulots et patelles n’ont pas envie de finir desséchés voire délogés par les vagues ou le soleil. À moins qu’ils ne referment leur coquille, manière d’emprisonner de l’eau et de rester hydratés. C’est le cas des moules, des huîtres, des palourdes et des coques. Un sacré tour de force en attendant « Marée haute, le retour » et l’ouverture de leurs coquilles pour laisser passer l’eau à travers leurs branchies, filtrer les micro-organismes et se nourrir. Cela étant, la marée est toujours basse. Pour beaucoup, une adaptation de « Il faut sauver le soldat Ryan » commence.

Le poulpe en profite pour chasser mollusques et crustacés © ARTE/CAPA Presse 2025

Le jour le plus long

Le jusant (descente) dure environ 6 heures, le flot (montée) aussi, l’étale 6 heures : le combat pour la survie va être intense pendant près de 13 heures. Entrent en scène les oiseaux opportunistes. Comme les stukas nazis dans « Dunkerque », ils tombent en piqué sur les vers et crustacés découverts dans les vasières (endroits vaseux) et les estrans. Mouettes, goélands, sternes : les figurants sont nombreux. Chaque heure accentue la tension : la température monte, l’eau s’évapore, la salinité augmente et l’oxygène se raréfie. Chacun invente des stratégies pour résister. « Les combats sont titanesques », résume Arte qui propose le documentaire réalisé en Bretagne, « Le Grand cirque des marées », ce mercredi soir. Et le combat ne s’arrête pas à ces protagonistes. Homards, poulpes, congres ou bernard-l’ermite font aussi partie de la distribution. Une fois qu’elle laisse à d’autres le premier rôle, la mer qu’on ne voit plus danser le long des golfes clairs perd ses reflets d’argent.

Cet article est paru dans le Télépro du 18/12/2025

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