En 2023, trois cryptographes amateurs réussissent à décoder la correspondance secrète de Marie Stuart, la « Reine maudite ». Ce samedi à 20h55 sur Arte, le documentaire « Marie Stuart, l’énigme des lettres codées » retrace leur aventure palpitante sur Arte.
Ce film retrace le destin tragique de la reine d’Écosse, morte sur l’échafaud en 1587, et l’aventure palpitante du décryptage de sa correspondance secrète. Historienne à l’université d’Amiens, Camille Desenclos apporte son éclairage sur le sujet.
Pouvez-vous nous résumer le destin tragique de Marie Stuart ?
Née au Royaume-Uni en 1542 d’un père, roi d’Écosse, et d’une mère française, Marie Stuart est promise très jeune, puis mariée, au futur roi de France François II. Elle était devenue reine d’Écosse à seulement 6 jours (son père meurt juste après sa naissance) et reine consort de France en 1559 (à 17 ans) avant de revenir en Écosse l’année suivante, à la mort prématurée de son mari.
La voici donc veuve et de retour en Écosse en 1561…
Elle se remarie avec un cousin, HenryStuart, une union malheureuse. Mais il est assassiné en 1567. Les soupçons se portent vite sur cette reine catholique dans un pays largement protestant. D’autant qu’elle épouse rapidement son amant, James Hepburn, comte de Bothwell, d’abord suspecté du meurtre. Scandale ! Marie Stuart est alors emprisonnée et contrainte d’abdiquer au profit de son fils âgé d’un an, le futur roi d’Écosse (Jacques VI) et d’Angleterre (Jacques Ier). Elle s’évade l’année suivante, en 1568, et cherche refuge chez sa cousine Élisabeth Ire, reine d’Angleterre. Qui la perçoit comme une menace : Marie Stuart est considérée par les catholiques comme une héritière légitime du trône d’Angleterre ! Plutôt que de l’aider à récupérer son trône, Élisabeth la garde prisonnière pendant dix-neuf ans avant de la faire exécuter en 1587, pour trahison…
Pourquoi Marie Stuart écrivait-elle des lettres codées ?
Parce qu’une très grande majorité de la correspondance diplomatique du XVIe siècle l’était. Cette pratique ne signifiait pas pour autant un contenu sensible. Les études ont montré que, pour ne laisser aucune trace, les infos d’une importance extrême étaient orales.
Quel était le mode de transmission pour les envoyer secrètement ?
Marie Stuart a écrit ces lettres pendant sa captivité. Pour les transmettre de sa résidence surveillée à l’ambassadeur de France, elle a usé de subterfuges qu’on peut voir dans les films d’espionnage, comme glisser une lettre dans le pli d’un vêtement ou le talon d’une chaussure.
Qu’est-ce qui vous a le plus étonnée dans ces lettres secrètes ?
Leur système de chiffrement extrêmement perfectionné qui contredit tous les poncifs sur Marie Stuart. Certains affirmaient que sa perte avait été provoquée par la mauvaise utilisation d’un système trop simple pour coder ses messages, mais ces lettres prouvent le contraire. En fait, elle a été victime d’un complot.
L’intérêt des historiens et du grand public pour cette découverte est-il identique ?
Ces courriers nous apprennent beaucoup sur l’histoire de la cryptographie et ses systèmes à l’œuvre dans les années 1570-1580. Pour le grand public, l’intérêt se situe au niveau du contenu des lettres. Il retrace le dialogue entre Marie Stuart et la France pendant ses années de captivité.
Est-il rare, voire exceptionnel, de découvrir des lettres chiffrées ?
Non. Il est plutôt fréquent d’en découvrir dans les archives. D’ailleurs, on connaissait déjà un certains nombres de lettres chiffrées écrites par Marie Stuart. La véritable découverte réside dans le fait que les trois cryptographes ont réussi à prouver qu’elle était bien leur auteur. Jusque- là, restées anonymes, ces missives anonymes n’avaient suscité aucune curiosité.
Cet article est paru dans le Télépro du 25/9/2025