Robert Rauschenberg, artiste plasticien américain, fut le premier à transformer des déchets en œuvres d’art. Arte nous emmène dans son univers avec le documentaire « Robert Rauschenberg, précurseur du pop art »…
Loin d’être anecdotique, la place du déchet dans l’histoire de l’art n’est pas récente et son utilisation est porteuse d’un message provocateur, philosophique ou politique. Explications.
Enfant terrible
Dès son arrivée sur le devant de la scène artistique, Robert Rauschenberg (1925-2008) s’emploie à cultiver la provocation. En 1953, le jeune artiste demande à Willem de Kooning (1904-1997), roi de l’expressionisme abstrait, de lui offrir un dessin, requête à laquelle accède le peintre d’origine néerlandaise. Robert Rauschenberg décide alors de créer sa propre œuvre à partir de ce don en… l’effaçant. Son ami Jasper Johns, autre figure majeure de l’art contemporain, lui choisit un titre – « Erased de Kooning drawing » – et le fait encadrer dans le style des tableaux classiques. Si la rumeur raconte que de Kooning ne prit pas très bien cette démarche, la réputation d’enfant terrible de Rauschenberg était faite.
Recyclage inspiré
L’année suivante, l’artiste met au point le principe des « Combine paintings ». Soit, des collages et assemblages d’objets récupérés sur des toiles ou des supports peints, le tout formant puzzles ou rébus. « Obsédé par l’idée de faire du neuf avec du vieux, il collectait dans la rue toutes sortes de déchets – ferraille, bois, pneus, miroirs – qu’il recyclait, comme dans ce « Monogram », composé d’une chèvre empaillée entourée d’un pneu, une de ses œuvres phares », explique le documentaire d’Arte. « Défenseur du banal, il souhaitait inclure le monde dans l’art, pour inciter le spectateur à (ré)agir. »
Adoubé par le maître
S’il est loin d’être encensé par la critique, qui estime que Rauschenberg se contente de vider les poubelles pour remplir ses toiles, il reçoit l’approbation, sans doute plus prestigieuse, de Marcel Duchamp (1887-1968). L’intérêt de cette icône mondiale de l’art contemporain, connue notamment pour ses « ready made » – technique selon laquelle un artiste s’approprie un « objet tout fait » pour le détourner de sa fonction utilitaire, à l’instar du fameux urinoir -, permettra à Robert Rauschenberg de voir son travail présenté à l’exposition internationale du surréalisme à Paris en 1959. L’artiste renouera aussi, plus tard, avec la presse spécialisée de son pays pour devenir un monstre sacré de l’art américain. En 1997, au Guggenheim de New York, il est d’ailleurs l’objet d’une des plus importantes rétro-spectives jamais consacrées à un artiste vivant.
Héritiers durables
Vers la fin des années 1950, la démarche de Rauschenberg fait des émules : nouveau réalisme, néo-dada… Mais, c’est le mouvement du Junk Art qui poussera l’utilisation du déchet à son paroxysme, avec même des œuvres monumentales comme le « Lynx ibérique », haut de 20 m, inauguré à Lisbonne en 2019.

Le courant artistique entend dénoncer ce qui n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières décennies : la surconsommation…
Oups !
En 2024, au musée d’Art moderne de Lisse (LAM), aux Pays-Bas, un réparateur d’ascenseur a jeté une œuvre d’Alexandre Lavet en la prenant pour un déchet. Les deux cannettes de bière froissées, peintes à la main, faisaient un peu trop illusion… Elles furent repêchées in extremis dans une poubelle de l’établissement.
L’œuvre d’Alexandre Lavet fut récupérée in extremis dans une poubelle d’un musée aux Pays-Bas
AFP
En 2001, une œuvre de Damien Hirst exposée dans la vitrine de la galerie Eyestorm, à Londres, est jetée par un agent d’entretien qui pensait avoir affaire à un tas de déchets, vestiges d’une fête de la nuit précédente. Elle dut être restaurée par le personnel de la galerie.
L’œuvre d’Alexandre Lavet fut récupérée in extremis dans une poubelle d’un musée aux Pays-Bas
AFP
Cet article est paru dans le Télépro du 16/10/2025