Parasites : infâmes d’intérieur

Le champignon parasite cordyceps pousse sur le corps d'une fourmi. Il peut modifier son comportement avant de la tuer, s'assurant ainsi qu’elle mourra en hauteur, permettant aux spores du champignon de se propager facilement. © Science Photo Library via AFP
Rodophe Masuy Journaliste

Des gangsters microscopiques infiltrent, manipulent et exploitent leurs victimes avec une précision d’orfèvre. Une leçon d’évolution fascinante se cache derrière leurs crimes.

« Quand j’étais petit, on m’a dit  » Chasse une proie et tu mangeras un jour. Parasite-la et tu mangeras toute ta vie ! «  » Le documentaire décalé « À quoi servent les parasites ? » (jeudi à 16h35 sur Arte) leur donne littéralement la parole. Guidé par une tique érudite, il reprend les codes des films de gangsters. Mais derrière cette mise en scène amusante, une question plus grave surgit : pourquoi un parasite empoisonne-t-il son hôte alors qu’il dépend de lui pour vivre ? C’est le fameux paradoxe du parasite : se tuer soi-même en tuant l’autre. Un « bon » parasite devrait en théorie ménager sa monture. Mais tout est question d’adaptation. Lorsqu’un parasite s’installe dans une nouvelle espèce, il ne sait pas encore doser sa nuisance. Il se multiplie trop vite, affaiblit son hôte, entraînant parfois sa propre disparition. La nature corrige le tir avec le temps.

Fourmis zombies

Les exemples abondent. Le moustique, par exemple, ne meurt pas avec sa victime, mais le parasite du paludisme qu’il transmet provoque fièvres et anémies mortelles. Autre cas, celui du champignon ophiocordyceps, qui transforme les fourmis en zombies grâce à des substances altérant leur système nerveux. L’insecte, manipulé, se fige en hauteur sur une plante. De son corps jaillit une structure fongique qui libère des spores, contaminant les fourmis alentour et permettant au parasite de se reproduire. Un chef-d’œuvre d’évolution ! Et que dire du ver toxoplasma gondii. Ce parasite manipule aussi le cerveau des rongeurs en réduisant leur anxiété. Cela rend les souris intrépides pour qu’elles se fassent croquer par un chat, son hôte préféré.

Il suffit de se baigner

Si certains fascinent par leur intelligence évolutive, d’autres inspirent de la méfiance aux humains. C’est le cas de la bilharziose, un ver microscopique qui raffole des eaux douces tropicales. Il suffit de patauger dans une rivière pour être contaminé. Le parasite pénètre la peau, s’installe dans les vaisseaux sanguins et provoque fatigue, fièvre et troubles digestifs. Il entraîne parfois des lésions du foie ou de la vessie. Près de 200.000 personnes en meurent chaque année.

Vampires !

D’autres, plus discrets, agissent à la manière de petits vampires. C’est le cas de la tique, qui se nourrit de sang. Tapie dans les herbes hautes, elle s’accroche à la peau de sa proie et, en toute discrétion, peut transmettre des bactéries redoutables, comme celle responsable de la maladie de Lyme. D’après une étude de l’université d’Anvers, près de 20 % des tiques prélevées dans des jardins belges étaient infectées. La maladie s’attaque, dans certains cas, au système nerveux et provoque des complications neurologiques sévères.

Tenace ténia

Il y a aussi ce tenace ténia, le ver solitaire. 11 000 cas seraient recensés chaque année en Belgique, souvent liés à la consommation de viande mal cuite. Un ténia peut mesurer plusieurs mètres et vivre des années dans l’intestin humain sans se faire remarquer. Il vole les nutriments de son hôte, entraînant amaigrissement et troubles digestifs. Certains spécimens pondent jusqu’à un million d’œufs ! Généralement bénigne, l’infection n’en demeure pas moins sérieuse si elle est négligée, causant quelque 700 décès par an.

Les pacifiques

Faut-il pour autant haïr les parasites ? Pas forcément. Certains apprennent à vivre en paix avec leurs hôtes, voire à collaborer avec eux. Notre microbiote intestinal descendrait d’anciens parasites devenus alliés. Ces micro-organismes participent aujourd’hui à notre digestion et à la protection de notre système immunitaire. Même les plus envahissants ont parfois un rôle à jouer.

Cet article est paru dans le Télépro du 27/10/2025

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