Ce mercredi à 13h55 sur France 4, les apprentis scientifiques de « C’est toujours pas sorcier » se penchent sur le thème fascinant des plantes carnivores.
Dans l’univers végétal, c’est probablement l’un des spécimens qui nous intriguent, voire nous effraient le plus : les plantes carnivores, dont on dénombre environ 700 espèces. Spectaculaires, tant par leurs physiques variés que par leur système de digestion, elles dévoilent leurs petits secrets.
Intérêt tardif
Si des plantes, qui n’avaient pas encore le nom de carnivores, avaient déjà été repérées par les populations locales et des explorateurs documentant leur existence, c’est seulement dans le courant du XVIIIe siècle que le monde scientifique commence à s’interroger sur ces végétaux aux comportements pour le moins inhabituels.
Vers 1750, Arthur Dobbs, gouverneur de Caroline de Nord, écrit à la Royal Society of London pour la questionner sur une plante visiblement munie de mâchoires qui semblent lui servir à capturer des insectes. Il nomme sa trouvaille « attrape-mouches sensible ».
Dans les années 1760, un spécimen séché de la plante de Dobbs est envoyé à Carl von Linné, un naturaliste suédois, qui sera le premier à décrire de manière scientifique une plante de ce type. Il pense que ce carnivorisme est une anomalie extraordinaire, ne concernant que l’exemplaire en question, qu’il décide de nommer à son tour « Vénus attrape-mouche ».
Il faudra attendre Charles Darwin et le milieu des années 1860 pour que la carnivorité de la Vénus (Dionaea muscipula) soit avérée et démontrée. Le célèbre naturaliste observera ensuite ce mécanisme de capture chez d’autres espèces, comme la Drosera.
Évolution indispensable
Que Charles Darwin se soit intéressé de près aux plantes carnivores n’a rien d’étonnant : la capacité à digérer des insectes chez ces végétaux est le résultat d’un processus évolutif qui leur a permis de s’adapter à un milieu environnemental très pauvre en nutriments. « Pour subsister, et à défaut de pouvoir puiser dans les ressources terrestres, elles se sont tournées vers le règne animal. On les dit « mixotrophes » puisqu’elles sont capables de se nourrir aussi bien par autotrophie (via la photosynthèse) que par hétérotrophie (aux dépens de constituants organiques préexistants) », indique-t-on sur France Culture. « Pour être qualifiée de « carnivore », une plante doit posséder trois propriétés : elle doit pouvoir attirer, capturer et digérer ses proies. »
Colonie mondiale
Vu leur aspect souvent exotique, on associe spontanément la plante carnivore à un milieu bien éloigné de nos contrées. Pourtant, ces végétaux sont présents sur l’ensemble de la planète, excepté l’Antarctique, des sols marécageux américains aux forêts tropicales humides d’Asie, en passant par des îles comme Madagascar, jusqu’à… chez nous !
En Belgique, on recense environ une dizaine d’espèces, la plus répandue est la Drosera intermedia, que l’on observe notamment dans les Hautes Fagnes, mais qu’il est interdit de cueillir, comme le reste des spécimens belges.

Les plantes carnivores ont aussi des représentantes marines, comme les utriculaires qui utilisent de petites vésicules sous l’eau pour aspirer et capturer de minuscules proies aquatiques.
Dis-moi comment tu pièges…
Pour réussir à attraper leurs proies, les plantes carnivores adoptent différentes stratégies. Elles peuvent user d’un piège dit actif, comme les « mâchoires » de la Dionaea muscipula ou la fameuse « Vénus attrape-mouche » qui se referment sur la proie. D’un piège adhésif ou semi-actif, sous forme de feuilles couvertes de gouttes visqueuses, identifié chez les Drosera ou « rosées du soleil ». Ou d’un piège passif, à l’instar des tubes collants que l’on retrouve chez les Nepenthes ou « plantes à urnes ». Ces dernières possèdent généralement le menu le plus impressionnant puisqu’elles sont capables d’ingérer non seulement des insectes, mais aussi des arachnides, des vers, voire de petits amphibiens ou des reptiles. Plus impressionnant encore, certaines espèces de Nepenthes capturent des souris ou des grenouilles.

Attraction toxique
En plus d’être pourvues de pièges machiavéliques, les plantes carnivores possèdent une autre arme de taille pour attirer les insectes dans leurs filets : jouer sur leurs sens les plus sensibles. L’odorat d’abord, en sécrétant des nectars sucrés dont le parfum est irrésistible pour les insectes ou en imitant carrément l’odeur de certaines fleurs, une capacité présente chez la Sarracenia.

Elles usent aussi de techniques visuelles, dont le développement de couleurs très vives et attractives pour les insectes ou, plus vicieux, en créant des « cibles », soit des motifs intrigants pour les proies qui les guideront pile vers la partie piège et mortelle de la plante. Ensuite, les plantes carnivores laissent tout ce petit monde se faire décomposer par leurs enzymes digestifs pour ne conserver que les nutriments essentiels, tels que l’azote et le phosphore.
On se distingue de la masse !
Alors que la plante carnivore est déjà un végétal fascinant par nature, certaines espèces parviennent à se distinguer grâce à des atouts supplémentaires. C’est le cas de la Pinguicula grandiflora, présente principalement en Espagne, Suisse, France et Irlande, qui ressemble à tout… sauf à une plante carnivore ! D’aspect totalement classique, les petites fleurs violettes de la Pinguicula sont tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Et pourtant, cette carnivore incognito est bel et bien pourvue d’une substance collante qui lui permet de capturer et digérer des proies.

Dans un style opposé, la Darlingtonia californica ou cobra lily, est remarquable pour son aspect extravagant et sa ressemblance avec le cobra. •
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