En 2012, Philippa Langley retrouve sous un parking la dépouille de Richard III, perdue depuis des siècles. Le film de Stephen Frears « The Lost King » (« Le Roi perdu »), diffusé vendredi sur Arte, suit pas à pas le projet fou de cette historienne.
« Un cheval ! Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! » Le rideau tombe, applaudissements. Dans le théâtre d’Édimbourg où elle vient d’assister à la pièce « Richard III », de William Shakespeare, une spectatrice est interloquée. Non, le Richard III bossu, tyrannique et cruel de la pièce ne correspond pas à celui de la biographie du monarque écrite par l’historien Paul Murray Kendall qu’elle a lue en 1993. Oui, elle est bien décidée à le prouver. Et pour cela, elle doit commencer par retrouver la dépouille du monarque, introuvable depuis cinq siècles. L’incroyable quête de Philippa Langley commence.
Où est passé le corps ?
22 août 1485. Le roi Richard III meurt au combat, à 32 ans, lors de la bataille finale de la guerre des Deux-Roses à Bosworth Field. La date est historique : c’est la fin de la dynastie Plantagenêt. La maison d’York a vécu. Celle des Tudors lui succède. Que devient la dépouille royale ?
Dans un premier temps, elle est inhumée sans cérémonie, à une vingtaine de kilomètres du lieu de la bataille, dans l’église des frères franciscains du couvent Greyfriars, à Leicester (au centre de l‘Angleterre). Cinquante-trois ans plus tard, le couvent est dissout et l’église démolie. Le site devient propriété privée. La tombe ayant disparu, des rumeurs commencent à circuler : le squelette de Richard aurait été déterré et jeté dans la Soar, une rivière voisine. « C’est sans compter sur les Ricardiens, un cénacle de férus d’Histoire déterminés à laver son honneur et à découvrir où le Roi qu’ils révèrent est enterré », indique le site officiel de l’université de Leicester. C’est ici que Philippa Langley entre en scène.
« R » comme…
Jusque-là, sa vie professionnelle n’a pas été un long fleuve tranquille. Active dans le marketing, elle souffre de fatigue chronique, une maladie qui lui vaut l’hostilité de ses collègues et le mépris de son patron. Elle quitte son emploi pour se lancer à la recherche du corps de Richard III. En 2004, elle se rends à Greyfriars Church. L’ancien monastère est devenu une aire de parking pour le centre des services sociaux. Elle y pénètre. « J’ai tout simplement eu l’impression que je marchais sur la tombe de Richard III », confie-elle au quotidien The Guardian en 2013. « Je ne me l’explique pas. » Dans le film, cela donne un échange loufoque entre le gardien et l’actrice (remarquable) Sally Hawkins, alors que celle-ci voit écrit sur le sol un grand « R »… comme « Richard », pense-t-elle immédiatement. Elle : « Cela signifie quoi ce R ? ». Lui : « Réservé. Ça veut dire Réservé. » Mais son idée est faite : la dépouille se trouve ici. Son intuition ne la trompe pas.
Euréka !
De nombreux historiens de renom jugent l’hypothèse hautement improbable. Malgré leur forte réticence et leur scepticisme (c’est une femme et elle n’est pas universitaire), Philippa Langley contacte les services archéologiques de l’université de Leicester en 2011. Les chances de succès sont minces, mais la perspective d’en apprendre davantage sur cet important lieu de culte médiéval, jamais fouillé, est enthousiasmante. La quinquagénaire trouve des fonds, les recherches commencent. À l’été 2012, faute de moyens, le projet semble voué à l’échec. Fin août, des traces d’une sépulture humaine sont révélées. Le 12 septembre 2012, l’université de Leicester annonce « la découverte du squelette d’un homme présentant une courbure de la colonne vertébrale et des traces de blessures de guerre, et donc potentiellement celui de Richard III ».
Après analyses, le 4 février 2013, elle confirme « au-delà de tout doute raisonnable, l’individu exhumé à Grey Friars en septembre 2012 est bien Richard III, le dernier roi Plantagenêt d’Angleterre ». Le point final d’une enquête improbable, mais royale !
Cet article est paru dans le Télépro du 24/07/2025.