Entre 1941 et 1944, plus de 20.000 personnes ont perdu la vie à Natzweiler-Struthof, unique camp de concentration installé sur le territoire français.
Le Struthof. Avant la guerre, le nom de ce lieu-dit abritant une auberge évoquait, aux Alsaciens, les plaisirs du ski ou de la randonnée. Aujourd’hui, il symbolise l’horreur vécue par les victimes du nazisme à l’abri des épaisses forêts des Vosges. Samedi à 22h sur La Trois, dans « Retour aux sources », Élodie de Sélys nous emmène dans le seul camp du territoire français (il est d’ailleurs possible de le visiter : www.struthof.fr).
Fin novembre 1944, après la libération de Strasbourg, les GI’s avancent dans les Vosges alsaciennes et, sur le Mont-Louise, pénètrent, sans le savoir, dans le tout premier camp de concentration nazi à l’Ouest de l’Europe, le KonzentrationsLager de Natzweiler-Struthof. Le premier d’une longue série macabre, mais le seul à avoir existé sur le territoire français. Sur place, une quinzaine de baraquements, une large enceinte de barbelés électrifiés, des miradors… Mais aucun homme, ni cadavre. Pourtant, l’horreur se devine : des cellules, des murs criblés de balles, une table d’anatomie et surtout, un mystérieux four ! Seul le camp de Lublin-Majdanek (Pologne) a alors été découvert à l’Est par les troupes soviétiques. Dans les mois suivants, le monde prendra peu à peu connaissance de l’enfer concentrationnaire nazi.
50.000 détenus
La construction du Struthof date du printemps 1941 dans une Alsace alors annexée de fait par l’Allemagne nazie. L’endroit, lieu de villégiature très prisé des Strasbourgeois, a été choisi pour sa proximité avec une carrière de granit rose, afin d’alimenter les projets architecturaux monumentaux du IIIe Reich. Le granit se révélant finalement de piètre qualité, l’exploitation de la carrière laissera place à des travaux forcés destinés à soutenir l’économie de guerre, tels que le démontage de moteurs d’avions de la Luftwaffe.
Au cours du conflit, 50.000 détenus sont internés au Struthof et dans ses camps annexes, construits de part et d’autre du Rhin. Ils sont juifs, tsiganes, homosexuels, détenus de droit commun, asociaux ou Témoins de Jéhovah. De trente nationalités différentes, mais le plus souvent polonais, russes ou français. À partir de septembre 1943, le KL Natzweiler est désigné par Heinrich Himmler, redoutable chef de la SS, pour recevoir les détenus masculins « Nacht und Nebel » (« Nuit et brouillard ») d’Europe de l’Ouest. Pour la plupart résistants, ceux-ci sont destinés à disparaître sans laisser de traces…
Mouroir à ciel ouvert
À 800 mètres d’altitude, sur ce flanc de montagne battu par le froid et le vent l’hiver et écrasé par la chaleur l’été, les conditions de détention sont extrêmement difficiles et expliquent la mortalité importante dans ce camp dirigé par le SS Josef Kramer. Et si, au Struthof, les détenus succombent à la cruauté de certains SS, aux travaux forcés, aux exécutions ou à la malnutrition, certains y laissent aussi la vie au nom de la science. En vue de protéger la race aryenne, des médecins y réalisent des expérimentations sur les déportés. En 1943, une chambre à gaz y est même aménagée et 86 Juifs y sont assassinés pour le projet de collection de squelettes juifs du professeur August Hirt. « Je n’imaginais pas qu’on pouvait traiter des êtres humains comme ça », témoigne, dans le documentaire, un survivant, déterminé à ce que personne n’oublie l’horreur. Car encore aujourd’hui, l’histoire de ce camp de la mort alsacien, dont près d’un déporté sur deux n’est pas revenu, reste méconnue…
Cet article est paru dans le Télépro du 26/6/2025