Trans-Europ-Express, le grand luxe sur rails

L'Oiseau Bleu, en 1979, à la gare de Bruxelles Midi. Il reliait Paris à Amsterdam. En 1996, les TGV Thalys prirent le relais… © Steve Morgan/Wikipedia
Rodophe Masuy Journaliste

Rouges et crème, filant d’une capitale à l’autre, les Trans-Europ-Express (TEE) symbolisaient le rêve d’une Europe unie et raffinée. Ce jeudi à 10h55, Arte diffuse un documentaire intitulé « Les Trans-Europ-Express -Des trains de légende ».

«Les voitures de chemin de fer doivent offrir aux voyageurs un confort qu’aucun autre mode de transport ne peut égaler. » Le ton est donné. En 1957, les Trans-Europ-Express (TEE) sont portés sur les fonts baptismaux. Il s’agit d’un réseau de trains internationaux inédit. À une époque où l’avion et la voiture gagnent du terrain, les compagnies ferroviaires décident de riposter. Le train doit se réinventer, séduire à nouveau.

L’Étoile du Nord

Ainsi naît le TEE, un service de prestige, exclusivement en première classe, reliant les capitales européennes dans des rames reconnaissables à leur livrée rouge et crème. Des trains portent un nom évocateur, comme une promesse de voyage : L’Étoile du Nord (Paris–Amsterdam via Bruxelles), L’Edelweiss (Amsterdam–Zurich), Le Cisalpin (Paris–Milan) … Ce réseau naît d’une coopération inédite entre huit compagnies ferroviaires. Dans une Europe encore marquée par la guerre, le projet porte une valeur symbolique, celle d’un continent qui se reconnecte.

Prouesse technique

Faire circuler un train électrique d’un pays à l’autre relève alors de la prouesse technique. Les réseaux européens n’utilisent pas les mêmes systèmes de tension. Pour que les TEE puissent franchir les frontières sans changer de locomotive, il faut inventer un train caméléon, une automotrice révolutionnaire capable de s’adapter à quatre systèmes électriques différents, une première mondiale. Quatre pantographes distincts se déploient sur le toit selon le pays traversé.

Raffinement extrême

À l’intérieur, une attention minutieuse est portée à chaque détail, de l’éclairage aux matériaux. Les parois sont habillées de bois précieux, les stores à lamelles s’ouvrent d’une simple pression sur un bouton. La cabine du conducteur dispose d’une cloison vitrée offrant une vue directe sur le poste de conduite.

Le TEE Rheingold, avecson toit panoramique,assurait la liaison entreles Pays-Bas et la Suisse © Arte

La spacieuse voiture-restaurant, dotée d’un bar, compte une cinquantaine de places assises. Et dans des rames déjà climatisées, on voyage comme dans un salon roulant avec de la moquette épaisse, des sièges inclinables, des nappes blanches et des couverts en argent. Diplomates, hommes d’affaires et artistes se croisent dans une atmosphère feutrée.

Des tableaux de Paul Delvaux

Le raffinement ne s’arrête pas là. Lors de l’électrification complète de la ligne Paris–Bruxelles–Amsterdam, en 1963, la SNCB et la SNCF mettent en service une nouvelle génération de voitures TEE. La Belgique fait appel à dix artistes nationaux pour en décorer l’intérieur. Paul Delvaux, peintre des gares et des trains, réalise ainsi quatre œuvres originales qui accompagnent les passagers et qui sont aujourd’hui exposées au musée Train World à Schaerbeek.

45 trains, 130 villes

Le réseau TEE compte 45 trains desservant plus de 130 villes à son apogée, dans les années 1970. Mais derrière les nappes amidonnées, le monde du transport change. Les vols intérieurs se démocratisent, les autoroutes s’étendent et le modèle du TEE finit par s’éteindre. En 1987, l’Union internationale des chemins de fer lance un successeur plus grand public : l’EuroCity. Peu à peu, le TEE disparaît des horaires, jusqu’à son dernier voyage en 1995. Son souvenir inspire toujours le prestige. Les collectionneurs restaurent ses voitures et les musées exposent ses couleurs rouge et crème. Un mythe. 

Cet article est paru dans le Télépro du 30/10/2025

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici