« Le Petit Prince » de Saint-Exupéry ne devait être qu’un conte pour enfants… Il deviendra une œuvre poétique et philosophique universelle.
Un mouton, une rose, un renard, un allumeur de réverbères… Qui ne connaît pas « Le Petit Prince » ? Quatre-vingts ans après sa parution, le livre d’Antoine de Saint-Exupéry reste l’un des plus lus au monde et le plus traduit après la Bible. Comment ce tout petit bouquin est-il devenu une grande œuvre ? Comment ce conte pour enfants s’est-il érigé en fable universelle ? Samedi à 20h30 sur La Trois, « Retour aux sources » revient sur sa genèse avec un documentaire mêlant images d’archives et d’animation : « Le Petit Prince, naissance d’une étoile ».
Drôle d’histoire
Quand « Le Petit Prince » est publié pour la première fois, à New York en 1943, les critiques sont d’abord dubitatifs. Saint-Exupéry est un auteur connu et reconnu, mais dans un tout autre style… En 1931, son deux-ième roman, « Vol de nuit », a reçu le prix Femina. En 1939, « Terre des hommes » a décroché le Grand prix du roman de l’Académie française. On n’attendait pas Saint-Ex dans un conte pour enfants illustré d’aquarelles naïves faites par lui ! Le narrateur du « Petit Prince », c’est pourtant bien lui…
Crash au Sahara
En 1921, Antoine de Saint-Exupéry a 20 ans quand il est appelé au service militaire, où il obtient son brevet de pilote. Il travaille ensuite dans l’aviation civile, assurant les liaisons aéropostales entre Toulouse et Dakar, puis avec l’Amérique du Sud. Un jour de 1935, son avion s’échoue dans le Sahara. Il est secouru par des Bédouins au bout de quatre jours, alors que la chaleur et le manque d’eau lui font déjà voir des mirages… Ainsi en est-il dans « Le Petit Prince ». L’aviateur échoué est réveillé par une petite voix : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton. » C’est un petit bonhomme, il vient d’une autre planète, il a assisté à la naissance d’une rose et rencontré plein de personnes absurdes…

Face à« Mein Kampf »
Le récit peut sembler léger, mais le contexte ne l’est pas. En 1939, Saint-Exupéry sert dans l’armée de l’air française. Après l’armistice de 1940, il décide de s’exiler aux États-Unis, espérant profiter de sa notoriété pour convaincre le pays d’entrer en guerre aux côtés des Alliés. C’est compliqué, d’autant que Saint-Ex n’est ni gaulliste ni pétainiste : il rêve juste que les Français soient unis face aux nazis. La parution de « Pilote de guerre », en 1942, fait néanmoins l’effet d’un électrochoc. Un journal américain écrit que c’est « la plus belle réponse que les démocraties aient trouvée à « Mein Kampf » ». Mais ce succès ne parvient pas à tirer Saint-Exupéry de la morosité qui l’envahit depuis quelques mois. La guerre le désespère, son exil se prolonge, il a des problèmes conjugaux, il se sent inutile…
Mary Poppins
Un jour qu’il rencontre ses éditeurs dans un café, Saint-Ex gribouille un petit bonhomme sur la nappe. Et s’il publiait un conte pour enfants, dans l’esprit de Mary Poppins ? L’idée est loufoque, mais le quadragénaire a toujours eu la nostalgie de son enfance. Alors, pourquoi pas ? C’est ainsi que naît « Le Petit Prince », un livre aux allures enfantines, mais au message bientôt universel… Saint-Exupéry ne saura rien de son succès. Au moment de sa parution, en avril 1943, il rejoint une escadrille en Afrique du Nord. Il disparaîtra en mer, lors d’une mission de reconnaissance, l’année suivante. Il faudra attendre 1946 pour que le livre soit publié en France, par Gallimard. Cela reste à ce jour le plus gros succès de l’éditeur parisien.
Cet article est paru dans le Télépro du 4/12/2025