Sans prosélytisme, le documentaire « L’Adieu à la viande » (Arte, samedi à 20h55) propose une exploration de la longue histoire du végétarisme.
Les prémices du végétarisme, loin d’être une pratique récente, sont souvent méconnues. Pourtant, depuis des millénaires, les humains se posent la question de savoir s’il est juste de tuer les animaux pour s’en nourrir, parmi lesquels de célèbres personnages. Tour d’horizon.
Les premiers à s’en passer
Bien que le jaïnisme, religion d’origine indienne, se considère comme immémorial, son apparition peut être datée entre le IXe et le VIIe siècle av. J.-C. Au cœur de cette doctrine : la non-violence absolue envers les êtres vivants. Par extension, l’observance d’un strict végétarisme font des jaïns indiens les premiers végétariens avérés de l’histoire. En Europe, c’est Pythagore (VIe siècle av. J.-C.) que l’on considère comme l’un des précurseurs du rejet de la consommation d’animaux. « Hélas ! Quel crime n’est-ce pas d’engloutir des entrailles dans ses entrailles (…) et d’entretenir en soi la vie par la mort d’un autre être vivant ! », aurait dit le philosophe au célèbre théorème, selon le poète latin Ovide dans « Métamorphoses », paru au Ier siècle.
Le premier à le penser
Cependant, pour Pythagore comme pour les jaïns, le végétarisme est teinté de religieux : le présocratique croyait effectivement en la théorie de la métempsychose, comprenez l’idée que l’âme d’un proche puisse être hébergée par un animal maltraité ou tué. L’un des premiers à réellement rejeter la viande par pur souci du bien-être animal, où du moins à le préconiser, serait Plutarque. « Nous, civilisés qui vivons sur une terre abondante, nous n’avons aucune raison de tuer pour manger », écrivait le moraliste du Ier siècle dans son bref traité sur les animaux, « De esu carnium » ou « Manger chair ». « Mais rien ne nous émeut (…) ainsi pour un peu de chair nous leur ôtons la vie, le soleil, la lumière. »
Tablée VIP
Durant la période médiévale, il valait mieux ne pas naître du côté des fermes et des étables : les préoccupations éthiques entourant le traitement animal étaient aux oubliettes. La Renaissance sera plus favorable à ces questions avec un représentant de choix en la personne de Léonard de Vinci. Si le débat reste ouvert chez les spécialistes, de nombreux biographes soutiennent que le génie italien se refusait à manger des animaux. Pour preuve, une lettre de l’explorateur Andrea Corsali à Julien de Médicis, dans laquelle ce dernier indique que « le peintre ne supporte aucune blessure faite à un être vivant et ne mange rien qui contienne du sang ». Ensuite, durant le siècle des Lumières, c’est Jean-Jacques Rousseau qui prend fait et cause pour les animaux. Le philosophe posera même les bases de l’éthique animale moderne, comme l’explique Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, également philosophe, dans « L’Éthique animale ». « Chez Rousseau, le critère qui doit gouverner la relation entre les hommes et les animaux n’est plus la supériorité intellectuelle, mais la capacité de souffrir, qui est commune aux deux ».
Où sont les femmes ?
Comme souvent lorsque l’on regarde dans le rétroviseur, l’étrange impression que nombre de sujets sont exclusivement une affaire d’homme nous saute aux yeux. Pourtant, dans le cas présent, comme pour tous les autres, la part des femmes a tout simplement été invisibilisée. À cet égard, citons Margaret Cavendish, aristocrate et écrivaine anglaise qui fut non seulement la pionnière de l’emploi du terme « autrice », mais également la première à s’insurger, au XVIIe siècle, contre la théorie de « l’animal machine » prônée par son contemporain Descartes. Selon ce dernier, « l’animal n’a ni âme ni raison et réagit tel un automate à des stimuli. C’est une créature intégralement déterminée, qui est conçue sur le modèle d’un système mécanique. » Margaret contestera cette vision pour fonder une théorie qui lie tous les éléments du vivant. Sa personnalité jugée excentrique et ses affronts envers ses homologues masculins lui vaudront le surnom « Mad Meg », soit « Meg la folle ».
Le saviez-vous ?
Selon une étude menée par l’organisme Statista en 2022, 6.2 % de la population mondiale est végétarienne. L’Inde en tête avec une population végétarienne à 41 %.
Cet article est paru dans le Télépro du 20/11/2025