Longtemps confidentielle, la viticulture a connu un développement spectaculaire dans nos contrées. Les vignobles s’étendent et gagnent en reconnaissance. Avec l’aide du climat. Ce lundi à 16h55, Arte diffuse le documentaire «Les Promesses de la terre », consacré au sujet.
Muriel Lombaerts est spécialiste du vin, de la gastronomie, créatrice du label et du concept « Le Vin des Femmes ». Elle suit l’actualité du divin breuvage depuis des années, spécialement dans nos contrées. Interview.
Le vignoble belge, et particulièrement wallon, a connu un essor remarquable. A-t-on une idée de cette ampleur ?
Les prémices remontent aux années 1960-70, mais c’est surtout à partir de la fin des années 1990 que le vignoble a retrouvé ses lettres de noblesse chez nous. Cela a commencé en Flandre, dans le Hageland (zone naturelle située à l‘est du Brabant, ndlr). Ensuite, très vite, deux domaines ont émergé en Wallonie : le vignoble des Agaises (Ruffus) et le domaine du Chenoy. Ces pionniers ont donné l’impulsion à la viticulture wallonne avec deux approches différentes. Aux Agaises, la famille Leroy a choisi de planter des cépages dits « traditionnels » (chardonnay…), comme en Champagne. Ils bénéficient d’ailleurs du même terroir crayeux. Le domaine du Chenoy a été fondé par Philippe Grafé et est aujourd’hui dirigé par les frères Despatures. Le choix a été différent avec des cépages interspécifiques, plus résistants aux maladies comme le mildiou et l’oïdium, ce qui permet une démarche biologique. Depuis ces précurseurs, le vignoble belge n’a cessé de grandir. Pour vous donner une idée, nous approchons des mille hectares de vignes. Plus de 3,5 millions de litres de vin ont été produits en Belgique en 2023. Et si la production de 2024 s’est effondrée à 1,2 million de litres en raison du mauvais temps, 2025 sera une année exceptionnelle.
Comment expliquer cet engouement pour la vigne ?
C’est assez récent. Il y a encore quinze ans, les vignobles belges n’avaient pas le vent en poupe. Ce sont les « bulles » (méthode traditionnelle) qui ont servi de locomotive pour tous les autres, avec notamment Ruffus et le Chant d’Éole. Le Hainaut a montré que l’on pouvait produire des vins de grande qualité. Notons qu’il existe depuis peu BelBul, un label pour le positionnement des vins effervescents belges sur le marché national et international. Il faut aussi signaler le phénomène du « retour au local ». Sans oublier la diversification qui s’est faite dans le monde agricole. Plusieurs agriculteurs se sont lancés dans la vigne, comme à Bovesse, avec le domaine du Ry d’Argent, le domaine du Chapitre à Baulers ou le domaine de Glabais à Genappe.

Le changement climatique a-t-il joué un rôle ?
Clairement ! Je ne suis pas climatologue, mais tout le monde constate ce phénomène. Si, en Champagne, les vignerons vont devoir planter de nouveaux cépages plus résistants aux maladies, nous bénéficions chez nous désormais d’un climat très proche de celui de la Champagne d’hier.
Reste un contexte généralisé de baisse de la consommation de vin. Les vignerons belges vont-ils survivre à cette tendance ?
Je pense que oui, du moins pour ceux qui se seront professionnalisés. Certains ont pu croire qu’il était facile de produire du vin, mais ce n’est pas le cas. Il faut être résilient dans les mauvaises années, avoir le sens de la terre et, surtout, être capable d’investir pour viser la qualité. Cela étant dit, si nous pouvons être fiers de nos bières belges de caractère, nous pouvons être tout aussi fiers de nos vins. Certains disent qu’ils sont chers. Je ne le crois pas. C’est le juste prix, celui de la qualité. Et si nous excellons dans les bulles, nous brillons désormais dans les vins tranquilles, blancs, rosés ou rouges.
Cet article est paru dans le Télépro du 4/9/2025