En Russie, des milliers d’anonymes subissent la répression de Poutine. Le moindre mot contre le Kremlin ou la guerre en Ukraine peut mener en prison.
Des émissions sur Poutine et les dérives autoritaires du Kremlin, on en a vu beaucoup ces derniers temps… Mais le documentaire « Politzek, les voix qui défient le Kremlin », proposé ce mardi à 20h05 sur Tipik, mérite que l’on s’y arrête.
Il est signé Manon Loizeau. Cette journaliste, qui a souvent collaboré avec « Envoyé Spécial », s’était installée en Russie. Mais « l’étau se referme jour après jour », constate-t-elle. « La Russie est devenue une terre où il est impossible de filmer. Des amis, des proches sont arrêtés. Ceux qui osent s’exprimer contre la guerre en Ukraine sont les nouveaux ennemis du peuple. Les geôles russes se remplissent. Des citoyens de tous âges, de toutes classes sociales. Broyés. Engloutis par la machine répressive infernale. Ils sont des milliers de prisonniers politiques à avoir disparu dans le nouveau goulag de Vladimir Poutine. On les appelle » les politzek « … »
Un pays totalitaire
Nombre d’opposants à Poutine ont fini assassinés. La journaliste Anna Politkovskaïa, abattue dans l’entrée de son immeuble à Moscou. Alexandre Litvinenko,empoisonné à Londres. Alexeï Navalny, mort dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique… Dans l’ombre, d’autres Russes subissent aussi la répression. C’est à eux que Manon Loizeau s’est intéressée. Il y a d’abord Oleg Orlov. Il est l’un des fondateurs de Memorial, une organisation de défense des droits humains qui a décroché le prix Nobel de la Paix 2022. « La Russie est un pays totalitaire. L’État a pris le contrôle de tout. Il n’y a plus de liberté », estime-t-il. Il a été condamné à 2,5 ans de prison pour « crime de dénigrement des forces armées ».
Sur un manège
La caméra de Manon Loizeau suit aussi le procès de deux femmes de théâtre : Zhenya Berkovich et Sveta Petriychuk. Leur dernière pièce a décroché l’équivalent russe d’un Molière. Elles y dénonçaient l’endoctrinement des jeunes filles par l’État islamique. Elles se retrouvent aujourd’hui devant un tribunal militaire pour apologie du terrorisme. « Chaque mot que vous prononcez peut faire de vous un criminel », explique un de leurs amis qui suit le procès. « Une parole standardisée est en train d’être élaborée par Poutine. Comme à l’époque soviétique. Si quelque chose sort du cadre, il faut le condamner. » « Ce n’est même plus lié à ton opinion politique », poursuit une autre amie. « C’est comme si tu étais sur un manège : tu ne sais pas quand, où, qui va être arrêté. »
Le monde à l’envers
Le plus jeune prisonnier politique russe a 14 ans, il se prénomme Arseny. Un jour, il a déclaré à sa mère : « Maman, je pense qu’on ne peut plus se taire ». Il a posté sur ses réseaux une petite vidéo de lui en survêt et baskets qui dit : « Liberté pour Navalny. Liberté pour les prisonniers politiques. Liberté pour tous. » Ce sont ses profs et ses camarades de classe qui l’ont dénoncé. Arseny a été condamné à cinq ans de prison pour « participation aux activités d’une organisation terroriste ».
« Ceux qui sont en prison ne sont pas des criminels, mais des gens bien », affirme la mère d’une jeune femme incarcérée. « Ils veulent un monde meilleur. Et ils sont condamnés injustement. Ce sont eux les vrais patriotes. Mais dans la Russie d’aujourd’hui, tout est inversé.Nous entrons dans un monde à l’envers. C’est un monde de l’absurde. C’est l’horreur. Un cauchemar. Un cauchemar absurde. »
Cet article est paru dans le Télépro du 11/9/2025