Ellis Island : 12 millions d’espoirs

100 millions d’Américains auraient un ancêtre arrivé aux États-Unis par Ellis Island, qui abrite depuis 1990 l’Ellis Island Immigration Museum © Getty Images

Parfois surnommée « L’Île des larmes », Ellis Island a pourtant été, pour presque tous ceuxqui y ont mis le pied entre 1892 et 1924, la porte d’entrée vers leur rêve américain.

Samedi à 20h35 sur La Trois, « Retour aux sources » revient sur le parcours de quelques personnalités qui ont traversé les couloirs d’Ellis Island avant de se faire un nom aux États-Unis. Quelles épreuves, eux comme des milliers d’anonymes, ont-ils d’abord dû affronter ?

American Dream

1er janvier 1892. Accoudés au pont d’un paquebot, des hommes, des femmes et des enfants observent, émerveillés, la statue de la Liberté. Brandissant sa torche, elle semble leur souhaiter la bienvenue dans la baie de New York. Europe de l’Est, Irlande, Italie, Russie, Allemagne, Scandinavie, Grèce, Turquie, Arménie : ils arrivent de toute l’Europe, fuyant la famine, la misère, le choléra, les pogroms, les persécutions… Et rêvant d’un avenir meilleur. Depuis le début du XIXe siècle, les instabilités politiques, économiques et religieuses en Europe provoquent une migration de masse inédite pour l’époque. Jusqu’en 1892, les migrants arrivent par l’extrême sud de l’île de Manhattan, au grand désespoir des habitants. Les infrastructures ne suffisent plus. Un lieu plus adéquat, et surtout plus isolé, doit être trouvé. Ellis Island, proche de Manhattan et propriété fédérale, s’impose comme un choix stratégique.

Welcome to America !

En ce fameux 1er janvier 1892, un navire accoste. Annie Moore, 15 ans, une jeune Irlandaise venue rejoindre ses parents, pose pied à terre. Elle est la première à être accueillie sur Ellis Island. Durant les six décennies suivantes, 12 millions d’autres marcheront sur ses traces. Chacun des aspirants Américains arrive avec son propre bagage, sa propre histoire. Mais toutes les trajectoires sont finalement les mêmes avant de s’entendre dire « Welcome to America ! »

Le 17 avril 1907, 11.747 migrants sont arrivés sur Ellis Island, un record. Les examens médicaux ne duraient pas plus de 6 secondes ! © Bettmann Archive

Il leur a fallu consacrer leurs économies au ticket de bateau permettant d’embarquer pour dix jours à trois semaines de traversée. Les plus chanceux ont pu s’offrir la première ou la deuxième classe et voyager dans des conditions décentes. Mais l’immense majorité a dû se contenter de la troisième classe. Et s’est trouvée entassée dans l’entrepont, au milieu d’immenses et étouffants dortoirs.

Hello, Goodbye

Quand, enfin, la traversée touche à sa fin, les passagers aisés reçoivent, à bord, un contrôle de routine avant d’être conduits à terre. Aucun risque qu’ils ne deviennent un poids pour la société. Pour la troisième classe par contre, l’épopée continue sur Ellis Island. L’attente surtout. Annie, comme les milliers de passagers tremblant d’excitation et d’appréhension, se presse dans la file du grand hall où résonnent des dizaines de langues. Elle se présente d’abord au test d’hygiène. Au bout d’un examen d’en moyenne six secondes, les médecins écartent les voyageurs en mauvaise santé. Ils seront hospitalisés, mis en quarantaine ou, pour ceux qui souffrent d’affections contagieuses, renvoyés chez eux. Aux frais de la compagnie de navigation ! Annie, saine de corps et d’esprit, n’a plus qu’à passer les contrôles administratifs, aidée par un interprète. Comme aujourd’hui pour passer les douanes, il lui faut répondre à l’avalanche de questions – parfois surprenantes – de l’inspecteur des services de l’immigration : « Êtes-vous polygame ? », « Êtes-vous anarchiste ? »… Finalement, comme 98 % des nouveaux arrivants, au bout de quelques heures, Annie et ses deux frères peuvent déambuler dans les rues de la Grosse Pomme. Seuls 2 % sont recalés par l’Oncle Sam.

Enough

Après l’instauration d’un quota par nationalité en 1921, ce sont les consulats américains en Europe qui se chargent du tri. Ellis Island perd dès lors sa vocation et se transforme, en 1924, en centre de détention pour les étrangers en situation irrégulière puis, pendant la Seconde Guerre mondiale, pour les individus soupçonnés d’être des agents fascistes ou communistes. Le 12 novembre 1954, un détenu nommé Arne Petersen, marin norvégien, est le dernier à quitter les lieux.

What’s your name ?

La légende raconte qu’un vieux Juif, paniqué lors de l’interrogatoire, oublia le nom américain qu’on lui avait conseillé de donner. « Shon Vergessen ! », s’est-il exclamé en yiddish, « J’ai oublié ! ». On le nomma donc John Ferguson !

Cet article est paru dans le Télépro du 9/10/2025

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