Énergie : l’arme nucléaire de Poutine

Grâce à Rosatom, l’emprise nucléaire russe n’a jamais été aussi importante © Arte

Pour faire trembler le monde, Poutine mise sur le nucléaire. Pas la bombe, l’énergie ! Nombre de centrales dépendent de technologies et de combustibles russes.

On connaît le nom de Gazprom, le géant russe du gaz. Mais avez-vous déjà entendu parler de Rosatom, l’agence russe du nucléaire ? Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe tente de se défaire de sa dépendance au gaz russe. Des décisions ont aussi été prises pour interdire toute importation de pétrole, de charbon et autres produits venus de chez Poutine. L’objectif est double : affaiblir économiquement la Russie et se libérer de son emprise. Ces sanctions ne touchent toutefois pas le nucléaire… Pourquoi ? Parce que l’industrie nucléaire mondiale dépend de la Russie. Grâce à un stratagème mis en place de longue date par le Kremlin. C’est « Le Piège de Poutine », un documentaire à découvrir mardi à 23h40 sur Arte.

Jeux d’influence

Pour comprendre l’histoire, il faut remonter aux années 1950. Le gouvernement soviétique décide alors d’exploiter l’énergie atomique à des fins civiles. En 1954, l’URSS est le premier pays au monde à connecter le réseau électrique à un réacteur nucléaire. Le secteur est chapeauté par le ministère de l’Énergie atomique, ensuite rebaptisé Agence nationale de l’Énergie nucléaire. Mais en 2007, Poutine décide de transformer cette agence gouvernementale en entreprise : Rosatom. On pourrait croire que le but principal est de faire du business, mais le Kremlin a un autre objectif : accroître l’influence russe dans le monde. Plus que d’influence, on peut même parler de dépendance…

Partout au monde

Il y a quelques jours, Rosatom annonçait qu’il serait le constructeur de la première centrale nucléaire du Kazakhstan. Également candidats, les Français d’EDF ont été évincés du marché. Après avoir construit des centrales dans l’ancien bloc de l’Est, la Russie exporte aujourd’hui sa technologie nucléaire aux quatre coins du monde. Si on exclut la Chine qui construit ses propres centrales et le Royaume-Uni qui fait confiance à la France, Rosatom s’impose partout ailleurs. En Inde, au Pakistan, au Bangladesh, en Égypte, au Mali… Et en Turquie, où une très puissante centrale nucléaire devrait être mise en service cette année. Certains s’inquiètent : cette centrale construite et financée par la Russie ne met-elle pas la Turquie dans une dépendance totale à l’égard de Moscou ? Le site de la centrale est déjà considéré comme une véritable enclave russe dans ce pays pourtant membre de l’Otan.

Doel et Tihange

La dépendance, c’est ce que vise Poutine. Si l’UE n’a pas pris de sanctions économiques strictes à l’égard du nucléaire russe, c’est notamment en raison du veto de la Hongrie, dont l’électricité dépend pour une grand part de centrales russes… Le gouvernement de Viktor Orban vient d’ailleurs de commander de nouveaux réacteurs à Rosatom. La Russie impose son matériel nucléaire, mais aussi le combustible. Car une centrale ne peut fonctionner sans uranium enrichi. Et les centrales russes sont formatées pour ne fonctionner qu’avec de l’uranium russe… La dépendance est donc double ! L’Europe aimerait s’en libérer. Engie Electrabel a annoncé se tourner dorénavant vers le Canada et l’Australie pour alimenter Doel et Tihange. Mais il est très compliqué de contourner la Russie. Depuis le début de la guerre en Ukraine, malgré les volontés occidentales de boycott, les bénéfices de Rosatom à l’étranger ont doublé. Et avec eux l’influence géopolitique du Kremlin…

Cet article est paru dans le Télépro du 10/7/2025

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