Le magazine « Sur le front », lundi à 21h05 sur France 5, enquête sur la composition de nos parfums. Ils ne sentent pas que bon…
« Langage de la peau », « Puissant magicien qui vous transporte au travers des années vécues », « Poème qui se respire »… Pour décrire ce que représente pour eux le parfum, les hommes ont rivalisé d’imagination. Sans toutefois jamais réussir à enfermer toutes les subtilités qu’une fragrance leur inspire dans un flacon de mots. « Les dieux créent les odeurs, les hommes fabriquent les parfums », écrivait Jean Giono. Il en est ainsi depuis des milliers d’années.
Magie en gouttes
« Les parfums et leurs emplois remontent à la nuit des temps, suivant les civilisations », peut-on lire dans « L’Histoire de la parfumerie » du Musée de Grasse. Il semble que ce soit au Proche-Orient, vers 7000 ans av. J.-C., que remontent les premiers objets considérés comme vases à parfums et à cosmétiques. Dans l’Égypte antique (3150 av. J.-C.), les parfums – considérés comme des sécrétions divines – sont utilisés à des fins religieuses et rituelles. Les Égyptiens utilisent des huiles parfumées, des encens et des baumes pour honorer les dieux et embaumer les corps. Le kyphi, par exemple, une sorte d‘encens sacré, s’exprimait dans le sens original du terme – « per fumum » : par la fumée.
Un parfum, mille souvenirs
À partir du IVe siècle av. J.-C., les Grecs, puis les Romains, élargissent l’usage des parfums à la séduction et à l’hygiène. Grâce, notamment, à la distillation, pour extraire les huiles essentielles. L’Empire romain s’effondre, la parfumerie subsiste. Elle se développe grâce aux progrès de la distillation des alchimistes arabes. Elle s’exporte en Europe grâce aux Croisés.
L’âge d‘or
La Renaissance (du XIVe siècle à la fin du XVIe s.) est considérée comme l’âge d’or de la parfumerie. Les cours royales européennes les produisent et les mettent en avant, entre autre pour masquer les odeurs corporelles et les environnements malodorants. « À l’époque moderne, la parfumerie devint une industrie à part entière. (…) La création de nouvelles molécules synthétiques ouvre de nouvelles possibilités créatives. »
Fraîcheur en bouteille
Oui, les parfums font rêver. Non, ils ne se conçoivent pas n’importe comment. Leur composition repose sur des bases physiques et scientifiques. « La construction d’une pyramide olfactive a été adoptée par tous les parfumeurs », explique Olphastory, l’encyclopédie en ligne consacrée au monde du parfum. « Elle est d’une importance capitale lors de la création d’un parfum. » Une pyramide à trois étages. Les notes de tête (les plus volatiles, senteur fraîche et verte, dont l’évaporation débute au bout d’une demi-heure), les notes de cœur (l’odeur caractéristique d’un parfum : fleurie, fruitée ou épicée) et les notes de fond (celles qui s’évaporent le plus lentement : boisées, suaves et cuirées). Pour l’industrie, il exhale de ces compositions une forte odeur d’oseille, de blé… d’argent ! Selon Data Bridge Market Research (DBMR), le marché de la parfumerie pesait 46,89 milliards d’euros en 2024. Ce sera entre 64,56 et 67,20 milliards d’ici à 2032.
Beauté de l’invisible
Ce portrait idyllique pourrait toutefois être enveloppé d’un parfum de scandale. Le reportage d’Hugo Clément, diffusé lundi sur France 5, montre une réalité moins glamour que celle des publicités. « C’est un monde complètement opaque », écrit le journaliste. « Lorsqu’on achète une eau de toilette, il est juste écrit « parfum » dans la composition. Sans aucune indication sur les ingrédients utilisés pour créer l’odeur, c’est fou. » De nombreux produits utilisés pour fabriquer les parfums sont en réalité des dérivés de la pétrochimie. « Le parfum, c’est du pétrole en flacon », déclare une des intervenantes. De grandes marques, connues du grand public, continuent à utiliser une substance reconnue comme un perturbateur endocrinien. Dans les régions productrices de certaines matières recherchées, conditions de travail et salaires sont déplorables, sans parler d’une forêt primaire qui se fait ravager. L’argent de la parfumerie n’aurait-il pas d’odeur ?
Cet article est paru dans le Télépro du 4/12/2025