Environnement : les arbres tueront-ils la planète ?

Planter d’une main pour déboiser de l’autre, voilà le paradoxe… © Getty Images
Christine Masuy Journaliste

La déforestation menace la planète. Pour y faire face, tout le monde s’engage à replanter : chefs d’État, multinationales, ONG… Mais quel est leur véritable objectif ?

Voilà quelques années déjà qu’on nous alerte sur la déforestation. Et pour cause ! L’an dernier, la planète a encore perdu un hectare de forêt par seconde. Soit l’équivalent de trois terrains de foot toutes les deux secondes. Tous les puissants de ce monde semblent sensibles à la question. Gouvernements et ONG, multinationales et institutions internationales… Chacun lance sa campagne de reforestation. Jamais l’Humanité n’a planté autant d’arbres que durant cette dernière décennie. C’est le sujet du documentaire proposé ce mardi à 21h par Arte : « Planter à tout prix ». Mais que cachent ces opérations d’envergure ?

L’impact écologique

L’homme a toujours exploité la forêt pour se chauffer, se loger, se nourrir… Mais cette exploitation s’est considérablement accélérée dans la seconde moitié du XXe siècle. Ici, on supprime une forêt pour construire des routes, un barrage ou une ville. Là, on abat une forêt pour produire des meubles, du papier ou de l’huile de palme… Le phénomène est particulièrement important en Amazonie, en Afrique centrale et en Asie du Sud-Est. Or, on sait que la déforestation a un impact écologique important : libération de CO2, perte de biodiversité, modification du cycle de l’eau…

Mille milliards d’arbres

Pour contrer la déforestation, des mesures semblent prises au plus haut niveau. De Poutine à Xi Jinping, tous les chefs d’État ont été photographiés pelle à la main, replantant un arbre. En Belgique, il s’agit surtout d’adapter les forêts existantes afin de les rendre plus résilientes face au changement climatique. Mais ailleurs dans le monde, on assiste plutôt à des opérations coup de poing. L’Éthiopie a battu un record avec 350 millions d’arbres replantés en une seule journée. La Chine s’est donné pour objectif de planter cent milliards d’arbres pour créer une « grande muraille verte ». Une ONG allemande, lancée par un garçon de 9 ans, vise mille milliards d’arbres plantés – même le très climatosceptique Donald Trump a apporté son soutien au projet. Ce faisant, chacun semble apporter sa pierre à l’édifice de l’Accord de Paris. Signé en 2015, il avait pour principal objectif de maintenir le réchauffement climatique sous les 2 °C, et cela passait notamment par le reboisement.

Greenwashing

Les experts tirent cependant la sonnette d’alarme : tout cela n’est que du vent ! D’abord parce qu’on déboise toujours plus qu’on reboise. Mais surtout parce que la qualité du reboisement interroge… Une forêt, c’est tout un écosystème ancien, complexe et riche. Quand on replante, c’est souvent sans prêter attention à la biodiversité. Et parfois même en dépit du bon sens. Ainsi en France, où des subventions sont accordées pour replanter un milliard d’arbres d’ici à 2032. Résultat : des forêts de feuillus en pleine santé sont arrachées pour replanter des résineux. Au Brésil, ce sont des eucalyptus, au Congo des acacias… Partout des monocultures, véritables déserts verts, mais qui conviennent aux industriels du bois, du papier et de l’emballage. Ces monocultures sont gourmandes en eau, épuisent les sols, nuisent à la biodiversité et résistent mal aux aléas climatiques. En cas de feu, par exemple, elles se transforment d’un coup en gigantesques brasiers incontrôlables. Mais pour l’heure, peu s’en soucient. Car gouvernements et multinationales ont réussi à créer un parfait écran de fumée en se vantant de replanter… Pendant ce temps, ils peuvent continuer à déboiser, à produire et à polluer…

Cet article est paru dans le Télépro du 16/10/2025

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