Restée discrète durant deux siècles, elle inspire aujourd’hui la méfiance : mariages consanguins, maltraitances, abus sexuels ! Mardi à 22h sur Tipik, le documentaire « La Famille, enquête sur une communauté secrète » enquête sur une inquiétante communauté religieuse.
En plein cœur de Paris, elle regroupe près de 3.000 personnes, peut-être 4.000 avec les communautés dérivées, et ne compte que… huit patronymes. Le mariage entre cousins étant obligatoire, sous peine d’exclusion. À l’origine : deux hommes liés au jansénisme convulsionnaire (forme extrême), Jean-Pierre Thibout et François Havet. En 1819, ils unissent leurs enfants et leur imposent un mode de vie communautaire, inspiré des kibboutz israéliens. Mais, en 1892, l’un de leurs descendants, Augustin Thibout, durcit les règles et scelle l’endogamie au sein des huit familles. Depuis, leur abondante progéniture – la contraception étant interdite – vit dans la plus grande discrétion. Son existence serait passée inaperçue si un article du Parisien, paru en 2020, n’avait mis en lumière ses agissements. Un procès pour viol et tortures est actuellement en cours ! Alors, secte ou pas secte ?
Règles « à l’ancienne »
Dans la Famille, le quotidien est régi par des dogmes stricts : « Les femmes n’ont pas le droit de se couper les cheveux et portent des robes longues. Jamais de rouge, la couleur du Malin », explique la journaliste Suzanne Privat dans « La Famille. Itinéraires d’un secret » (Éd. Les Avrils). « Il est interdit de travailler dans le domaine juridique – car la loi divine prévaut -, ou dans les métiers de la santé – car Dieu seul est maître des corps. Les adultes ne contractent pas de crédit et ne votent pas. » Seuls les métiers d’artisanat, couture ou électricité sont tolérés, dans une logique de discrétion et d’autonomie. Le salaire ? À reverser dans un pot commun. Une personne désignée fait les courses une fois par semaine avec un budget à respecter. Même son trajet est chronométré…
Maltraitances
Dès la naissance, les enfants sont séparés de leurs parents pour être élevés dans la collectivité. Dans une récente interview accordée à Guillaume Pley pour l’émission « Legend », Joseph Fert, ancien membre, raconte son enfer. Il n’a pratiquement pas vu ses parents et a grandi sans son frère et ses sœurs, classés dans des dortoirs par groupes d’âges. Dans sa communauté de Malrevers (Haute-Loire), une sous-branche de la Famille, la violence est banalisée. Un carnet de notes de comportement décide du châtiment : gifles, coups de poing ou de bâton, humiliation, enfermement à la cave… « On y restait toute la journée, sans rien manger. On craignait d’être oubliés. On avait un seau pour nos excréments, mais, dans le noir, on se faisait dessus… » À 14 ans, victime d’abus par le chef de la communauté, il est exclu de la Famille. En 2021, il porte plainte pour actes de torture, de barbarie et pour viol.
Dans le collimateur
Depuis 2015, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a recensé vingt-trois signalements de ce genre. Les dérives sont multiples : pathologies génétiques dues à la consanguinité, isolement scolaire, emprise psychologique, abus sexuels… La Famille est-elle une secte au sens strict ? Difficile à dire : il n’y pas de gourou officiel et « l’absence de prosélytisme la rend hermétique aux services de l’État », constate Le Parisien. Les vies brisées sont pourtant bien réelles. À 35 ans, Joseph Fert, issu de générations de consanguinité, a « peur d’avoir des enfants ». Lors du procès, ses cousins, qui ont subi les mêmes sévices que lui, sont venus défendre… leur bourreau ! « Mes propres parents ont témoigné contre moi », déplore-t-il. « L’emprise psychologique est extrêmement forte. »
Cet article est paru dans le Télépro du 18/9/2025
À lire
• Suzanne Privat, « La Famille. Itinéraires d’un secret », 256 pages, 20 € (Éd. Les Avrils).
• Nicolas Jacquard, « Les Inspirés », 374 pages, 21 € (Robert Laffont)