Programmes de discrimination positive supprimés, avortement interdit ou fortement restreint, pauvreté galopante : aux États-Unis, les droits fondamentaux des femmes sont en recul. Ce mardi à 22h50, Arte diffuse le documentaire «Sexe faible – L’Amérique en guerre contre ses femmes».
« La situation est grave. D’autant plus que les États-Unis servent de modèle à beaucoup d’autres pays. » En quelques mots, la docteure en anthropologie liégeoise Chris Paulis nous confie ce que la situation des droits des femmes aux États-Unis lui inspire. Au fil des témoignages, le documentaire proposé mardi soir sur Arte corrobore son analyse. Il atteste du recul alarmant des droits des femmes dans un pays où le puritanisme semble tout balayer sur son passage.
Le paradoxe Trump
À la veille de l’élection présidentielle américaine du 5 novembre dernier, les observateurs semblent s’accorder sur un point : les hommes vont voter Donald Trump, les femmes Kamala Harris. Si, au lendemain du scrutin, force est de constater que le « gender gap » (écart d’intention de vote entre hommes et femmes en anglais) a bien lieu (54 % des hommes pour Trump, 54 % des femmes pour Harris), ce « grand fossé » entre les sexes est à nuancer. Malgré sa condamnation pour agression sexuelle en 2023, malgré ses « dérapages » misogynes durant la campagne (le milliardaire s’autoproclamait protecteur des femmes, « que cela leur plaise ou non »), malgré ses positions en matière d’avortement, les électrices féminines ont été nombreuses à voter pour le candidat républicain. Particulièrement les femmes blanches : 53 % d’entre elles ont soutenu l’homme de 79 ans (contre seulement 7 % des votantes noires). « Beaucoup de celles qui ont voté sont issues de milieux où le patriarcat domine », analyse Chris Paulis. « Et puis beaucoup de ces femmes « râlent » contre celles qui « osent faire » alors qu’elles n’osent pas. C’est vrai depuis la nuit des temps. Ici, elles ont trouvé quelqu’un qui justifiait leur inaction. »
Wanted
Avortement et contraception ont été au cœur de la bataille électorale. Dès le début de son mandat, Trump passe des paroles aux actes. « Son administration tente de geler les subventions fédérales pour vérifier si elles finançaient des programmes pro-avortement », déclare au magazine L’Itinéraire la chercheuse française en sciences sociales Valérie Beaudouin. Cette tentative (avortée…) visait notamment Planned Parenthood, l’organisation américaine de planning familial.
En matière de contraception, le Texas n’a pas attendu le Président. Fin août, la chambre des représentants de cet État conservateur donnait son feu vert à un texte autorisant les citoyens à poursuivre en justice toute personne facilitant l’acheminement de la pilule abortive sur son territoire (où l’avortement est prohibé). « Le rôle de la religion chrétienne est très important », poursuit Chris Paulis. « Les leaders sont contre l’avortement et la contraception. Et comme les papes ne sont pas très modernes sur le sujet… »
Servantes écarlates
La situation économique n’est guère brillante non plus pour de nombreuses femmes. « Avec la suppression des programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (une des promesses de campagne du candidat républicain), elles risquent d’être encore plus marginalisées dans les entreprises », estime Valérie Beaudouin. Le manque d’investissement dans les congés de maternité et les services de garde des enfants contribue déjà à pousser les femmes vers des emplois moins bien rémunérés. Des femmes qui font face à une pauvreté plus élevée que les hommes. « On régresse », constate encore Chris Paulis. Les États-Unis ne seraient pas si loin du monde décrit dans le roman dystopique et la série « La Servante écarlate », un monde dictatorial et religieux où la femme n’est rien, si ce n’est un ventre. « Les femmes de plus en plus à la maison, avec leur petit tablier, en train de préparer à manger pour leur mari et leurs gosses : c’est l’idéal féminin… »
Un constat : « À Hollywood,hommes et femmes manifestent ensemble pour le droit aux mêmes salaires, pour la liberté des femmes. Quand les hommes sont avec, ça va », observe la docteur en anthropologie. Et de conclure à l’adresse des Américaines : « Tenez bon, défendez-vous ! »
Cet article est paru dans le Télépro du 2/10/2025