L’architecture reste une profession très masculine.Invisibles ou sous-représentées, les femmes peinent toujours à s’y imposer.
«Sexisme et star system dans l’architecture », le titre est limpide et percutant. Le texte est signé par une architecte américaine, Denise Scott Brown. Elle y dénonce l’invisibilisation qu’elle et ses consœurs ont subie au cours de leur carrière. Avec son époux, l’architecte Robert Venturi, Denise Scott Brown avait créé l’agence VSBA (Venturi Scott Brown and Associates). Mais en 1991, lorsque tombe le prestigieux prix Pritzker – le Nobel de l’architecture -, il n’est décerné qu’à Robert Venturi. Denise Scott Brown est oubliée… Elle se souvient aussi d’un congrès d’architecture où les participants avaient été invités à se réunir pour un cliché souvenir. Le photographe lui avait demandé de sortir du cadre, pensant qu’elle n’avait rien à faire parmi ces messieurs… Out of the picture, please ! « Out of the Picture », c’est le titre du documentaire proposé mercredi à 23h sur La Trois. Il interroge sur la place des femmes dans l’architecture.

Dans l’ombre
Comme beaucoup de professions, celle d’architecte est historiquement masculine. Il n’y a pourtant aucune raison que les femmes ne s’impliquent pas dans la conception des espaces où elles vivent. L’un des plus beaux châteaux de la Loire, Chenonceau, a d’ailleurs été bâti par une dame, Katherine Briçonnet, en 1513. Mais au cours de l’Histoire, les femmes architectes ont souvent été contraintes de se cacher derrière leurs homologues masculins.
Officiellement, ils ne font appel à elles que pour choisir le couleur des murs ou des rideaux. Ainsi, en 1927, quand Le Corbusier engage Charlotte Perriand, c’est pour l’aménagement intérieur de ses constructions. Elle concevra ensuite bien des choses qui seront attribuées à son éminent patron… C’est une constante dans l’architecture et le design du XXe siècle. En Finlande, Aino Marsio (1906-1949) travaille dans l’ombre de son époux, Alvar Aalto. En Allemagne, Lilly Reich (1887-1947), dans celle de son compagnon, Mies van der Rohe. Seul le nom des hommes passera à la postérité.
Moins compétentes
Qui se souvient de Claire Henrotin (1908-1989) ou de Simone Guillissen-Hoa (1916-1996) ? Ce sont les pionnières belges, diplômées de La Cambre dès les années 1930. La première a rationnalisé la cuisine, tandis que la seconde s’imposait comme une figure du modernisme.
Mais la profession a toujours du mal à intégrer les femmes… En 2023, la Faculté d’Architecture de l’UCLouvain dressait ce constat : « La part de diplômé.es en architecture est environ de 50 % de femmes et 50 % d’hommes, mais seul.e.s 36 % des inscrit.e.s à l’Ordre des architectes sont des femmes. »
Elles ne sont que 16 % parmi les lauréats de prix d’architecture et 8 % parmi les architectes cités dans les revues spécialisées. En Belgique, en 2020, on constatait par ailleurs une différence salariale de 30 % entre architectes hommes et femmes. Parce que les femmes sont toujours perçues comme moins compétentes. Elles sont aussi moins présentes dans les réseaux d’affaires, où se signent les gros contrats. Olivia Chaumont peut en témoigner. Née Olivier, cette architecte transgenre a vu ses clients devenir plus méfiants quand elle est devenue femme.
Sexisme
À l’échelle mondiale, seules quelques rares femmes tirent leur épingle du jeu. Comme Zaha Hadid (1950-2016), première femme à décrocher le prix Pritzker en 2004. Née à Bagdad, immigrée à Londres, elle dira : « Ce n’est pas tant le racisme que le sexisme qui a longtemps fait obstacle. »
Cet article est paru dans le Télépro du 20/11/2025
