La place d’Anvers dans le commerce mondial du diamant vacille. Entre chute des échanges, embargo sur les pierres russes et essor fulgurant du diamant de synthèse, le secteur local encaisse des chocs successifs. Ce samedi à 20h50, Arte diffuse «Les Diamants : histoire, mythes et réalité».
Ouf ! C’est l’énorme soupir de soulagement que le secteur diamantaire anversois a poussé. Il a finalement échappé aux droits de douane américains. Les exportations vers les États-Unis sont son principal marché. Plus de deux milliards d’euros de diamants quittent la Belgique chaque année en direction du sol américain. Si Anvers n’est pas l’unique centre d’approvisionnement (la majorité des pierres étant taillées en Inde, mais aussi en Thaïlande ou en Chine), la ville flamande concentre toujours les plus gros diamants polis, les plus recherchés et les plus précieux. La moitié du commerce mondial de pierres taillées y transite encore.
Mondialisation
Et si on associe encore le commerce du diamant à la communauté juive (environ 16.000 personnes dans la ville portuaire), les temps ont changé. Environ 70 % des firmes du secteur local du diamant sont désormais détenues par des entrepreneurs indiens. Quelque 1.400 entreprises et 3.500 travailleurs demeurent actifs dans le secteur dans la métropole belge. Le diamant est cependant devenu un produit parfaitement mondialisé : une pierre brute extraite au Botswana peut être taillée en Inde, certifiée à New York, puis revendue via Anvers. La production est dominée par de grands groupes miniers tels que le conglomérat sud-africain De Beers.
Ce marché mondialisé, aujourd’hui plus éclaté que jamais, n’est pas épargné par les turbulences. Depuis 2022, les importations et exportations belges connaissent une dégringolade. La demande mondiale recule, les consommateurs hésitent, et l’embargo du G7 sur les diamants russes depuis l’invasion de l’Ukraine continue de peser lourd. Ces derniers représentaient 35 % des importations de diamants bruts à Anvers. À titre d’exemple, en 2024, la valeur des diamants négociés à Anvers s’est établie à 23,7 milliards d’euros, soit une baisse de 25 % par rapport à l’année précédente, déjà en recul de 20 % par rapport à 2022.,
Le laboratoire dans l’écrin
Car le secteur encaisse aussi un autre choc majeur : l’essor fulgurant du diamant de synthèse. Produit en laboratoire, nettement moins cher et visuellement identique aux pierres naturelles, il bouleverse la chaîne de valeur. Les prix de gros des diamants synthétiques se sont effondrés en quelques mois, entraînant dans leur sillage la valeur de nombreux bijoux. L’exemple de la marque Zeeman, qui a récemment proposé des diamants de laboratoire à 29,99 €, a frappé les esprits. « Un diamant naturel conserve sa valeur, ce qui reste un argument pour les détaillants », souligne un expert. Pour les grandes occasions, le diamant authentique garde une aura que le synthétique n’égale pas encore.
Pourtant, les conséquences industrielles sont bien là. Laurelton Diamonds, filiale de Tiffany & Co. et du groupe LVMH, a dernièrement licencié 26 de ses 42 travailleurs à Anvers. La société invoque la conjonction de la baisse de la demande américaine et chinoise, et la concurrence directe des pierres synthétiques. Ce n’est pas la première restructuration. En 2018, l’entreprise avait fermé son atelier de meulage.
Atout unique
Le recul d’Anvers fait néanmoins le bonheur d’autres places fortes, notamment Dubaï, vers laquelle les diamantaires russes se sont redirigés, souvent via la Chine. L’Inde, grand pays tailleur, continue aussi de traiter massivement les diamants russes. Pour autant, tout n’est pas perdu. Anvers conserve un atout unique : sa réputation de transparence et de bonnes pratiques commerciales. Les grandes maisons de haute joaillerie européennes et américaines (Cartier, Rolex, Tiffany) exigent une traçabilité des pierres naturelles. Sur ce terrain, la capitale mondiale du diamant espère préserver son éclat.
Cet article est paru dans le Télépro du 17/12/2025