Prix dérisoires, ventes à perte, minijeux addictifs, collecte massive de données… Le modèle géant chinois de l’e-commerce pose de sérieuses questions éthiques, environnementales et légales. Un sujet évoqué ce mercredi à 19h50 sur RTL tvi dans «Coûte que coûte».
Décrit comme « un Amazon sous stéroïdes », Temu attire des millions de clients avec ses prix ahurissants. Une montre électronique à moins de 2 € ? Un aspirateur à moins de 9 € ? Pas de problème !
Livraison directe
Lancé en 2022 seulement, Temu est déjà devenu un poids lourd du commerce en ligne. À sa tête, Colin Huang, fondateur de la plateforme chinoise Pinduoduo et deuxième fortune du pays. Le site plateforme est officiellement enregistré aux îles Caïmans pour optimiser sa fiscalité. Pour le reste, sa force repose sur un principe simple : supprimer les intermédiaires. Les produits partent directement des ateliers chinois vers le consommateur, sans passer par des entrepôts.
Perdre 30 $ par commande
Cela suffit-il à expliquer ces prix ? Non. Temu pratique aussi la vente à perte si besoin, par choix stratégique. L’objectif est de gagner rapidement des parts de marché face à ses concurrents Shein, Wish ou AliExpress. Quitte à perdre entre 10 et 30 $ par commande ! La plateforme s’appuie sur une trésorerie solide et des levées de fonds colossales. Les experts du commerce via Internet expliquent que l’ambition est d’abord d’atteindre 30 milliards de dollars de chiffre d’affaires d’ici à 2030. L’idée de génie pour y parvenir est aussi de créer de la dépendance. Le site est truffé de minijeux inspirés des casinos, offrant parfois des articles gratuits. Une mécanique addictive qui associe shopping et plaisir. Cette stimulation se retrouve jusque dans le tunnel d’achat avec des offres à durée limitée qui créent un sentiment d’urgence.
Données clients
L’autre objectif de Temu serait aussi de collecter un maximum de données sur les habitudes d’achat des Occidentaux. Et de monnayer ensuite ces informations.
Pour arriver à ses fins, le géant asiatique est devenu l’un des premiers annonceurs sur Facebook et Instagram. Il se paye des spots pour des millions de dollars lors du Super Bowl. Il finance des influenceurs. La banque JP Morgan Chase estime que la société consacre jusqu’à 3 milliards de dollars pour sa pub. Et si elle ne suffit pas, l’intelligence artificielle est employée pour embellir les photos des produits et tromper les acheteurs. Mais avec des prix dérisoires, rares sont ceux qui prennent la peine de renvoyer leurs colis…
Malfaçon et contrefaçon
Le risque existe pourtant d’acquérir un produit non conforme, voire dangereux. L’Association suisse des jouets a fait tester douze références achetées sur la plateforme. Onze ne respectaient pas les normes. L’entreprise est aussi accusée de vendre des contrefaçons. Un voleur barcelonnais qui pensait dérober une Rolex d’une valeur de plusieurs milliers d’euros a découvert, après son arrestation, qu’il s’agissait d’une imitation achetée sur Temu et estimée à 20 € ! Un créateur de t-shirts de Tubize a dernièrement découvert que ses produits y étaient plagiés sans moyen de faire valoir ses droits. Le pot de terre contre le pot de fer.
Écologie et travaux forcés
D’autres dénoncent l’impact écologique de produits venus de Chine par transport aérien. Côté éthique, une enquête du gouvernement américain a mis en évidence un « risque extrêmement élevé » que certaines marchandises vendues soient liées au travail forcé en Chine.
L’Europeà la rescousse ?
La Commission européenne compte utiliser la loi sur les services numériques pour encadrer ces pratiques, notamment en ce qui concerne les objets pour bébés et de petits appareils électroniques. Et face à l’afflux record de petits colis venus de Chine, l’Union européenne va accélérer sa réforme douanière. Une contribution de 2 € par colis importé figure parmi les pistes étudiées. Suffisant pour contrer un dragon ?
Cet article est paru dans le Télépro du 21/8/2025