Littérature : le destin en clair obscur de «La Case de l’oncle Tom»

L’oncle Tom aurait été inspiré par l’autobiographie de Josiah Henson (1789-1883), ancien esclave qui s'est enfui dans la province du Haut-Canada (actuel Ontario) pour devenir auteur et abolitionniste. Il sauva de nombreux esclaves. © Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images
Christine Masuy Journaliste

Paru en 1852, le roman « La Case de l’oncle Tom » joua un rôle considérable dans l’abolition de l’esclavage… Mais il est aujourd’hui décrié par les Afro-Américains.

Avez-vous lu « La Case de l’oncle Tom » ? Des générations entières ont grandi avec ce roman d’inspiration chrétienne. Il raconte l’histoire de Tom, un esclave noir dans l’Amérique du XIXe siècle. Vendu à un maître cruel, Tom endure les pires souffrances dans une plantation de coton du Sud profond. Mais rien n’entame ni sa foi ni sa noblesse d’âme.…

Publié en 1852, ce roman d’Harriet Stowe est le premier livre à dépeindre les réalités de l’esclavage. Et il jouera un rôle essentiel dans son abolition. Pour les Afro-Américains, Tom a donc longtemps fait figure de héros. Mais il est aujourd’hui décrié… Pourquoi ? Explications, mercredi à 22h45 sur Arte avec le documentaire «  »La Case de l’oncle Tom », du héros au traître ».

Cette petite dame

« C’est donc vous cette petite dame qui a provoqué cette grande guerre ? » C’est par ces mots que le président Abraham Lincoln aurait accueilli à la Maison Blanche l’auteure de « La Case de l’oncle Tom ». Fille et épouse de pasteur, Harriet Stowe est une femme instruite, sensible aux problèmes de société et abolitionniste convaincue.

L’ autrice etmilitante abolitionniste Harriet Beecher Stowe (1811-1896) en 1860
© Glasshouse Images / Photo12 / Circa Images

En 1850, une nouvelle loi est votée, qui punit sévèrement tout citoyen qui viendrait en aide à un esclave en fuite. À l’époque, les tensions sont plus vives que jamais entre les États esclavagistes du Sud et les abolitionnistes du Nord. Harriet propose alors un feuilleton à un journal de Washington. Ce sera l’histoire de Tom, un esclave noir…

Premier best-seller

Harriet s’inspire du récit de Josiah Henson, un esclave qui a réussi à fuir une plantation de tabac. Pour plaire au public, elle le romance dans un style mélodramatique. Et ça marche ! Publié en volume, « La Case de l’oncle Tom » devient le premier best-seller américain.

Couverture de l’édition originale américaine de « La Case de l’oncle Tom »,en 1852 © DR

C’est le roman le plus lu dans le monde au XIXe siècle, et le deuxième livre le plus vendu après la Bible. « Pour la première fois, on présente des Noirs comme des êtres humains, avec des pensées, des sentiments… », explique l’historien Pap Ndiaye. Le roman eut un tel impact qu’il mit le feu aux poudres de la guerre de Sécession, au terme de laquelle l’esclavage fut aboli.

Une insulte

Bien que profondément humaniste, le roman d’Harriet Stowe n’échappe pas aux préjugés de l’époque. Les servantes noires sont décrites comme de bonnes grosses mamas, les enfants comme des petits sauvages qui courent partout… Et surtout : Tom supporte sa condition d’esclave sans broncher. Cette figure mythique commence donc à être contestée à l’époque du Black Power, dès les années 1960. Malcolm X déteste le personnage, bien trop passif et soumis à son goût. Il traitera même Martin Luther King d’« Oncle Tom moderne », l’estimant trop accommodant avec le pouvoir blanc. Depuis « Oncle Tom » est devenu une insulte. Et voilà comment le héros anti-esclavagiste du XIXe est aujourd’hui considéré comme un traître à la cause raciale.

Cet article est paru dans le Télépro du 6/11/2025

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