L’élevage intensif à l’américaine repose sur des pratiques à haut risque pour la santé de tous : surconsommation d’antibiotiques, air irrespirable, émissions de gaz à effet de serre… Ce dimanche à 20h15 sur La Une, «Un monde à part» nous emmène à la découverte des mégafermes américaines.
Le 13 avril 2023, près de 18.000 vaches périssent dans l’explosion d’une exploitation laitière au Texas. La catastrophe aurait été provoquée par le « honey badger », le « blaireau à miel », un puissant système d’aspiration utilisé pour évacuer le fumier, les urines et l’eau des énormes bâtiments d’élevage. L’appareil aurait surchauffé, déclenchant l’enflammement du méthane dégagé par la fermentation des déjections animales.
Élevage intensif
Plus qu’un simple fait divers, cette catastrophe en dit long sur les fermes de la démesure aux États-Unis. Ces exploitations, appelées CAFOs (Concentrated Animal Feeding Operations) concentrent des milliers d’animaux dans des unités industrielles. Pour donner un ordre de grandeur, la « ferme des mille vaches », pourtant jugée géante en France (dans la Somme), ouverte en 2014, a cessé sa production laitière en 2021, après des années de controverses sur son modèle intensif et son impact environnemental. Elle est devenue le symbole du débat sur l’élevage à grande échelle.
Le doubledes humains
Mais au pays de l’Oncle Sam, la législation est plus laxiste. Selon le dernier recensement agricole du ministère américain de l’Agriculture, plus de 1,7 milliard d’animaux sont élevés chaque année dans des fermes industrielles, soit une augmentation de près de 50 % par rapport à il y a vingt ans. Le pays compte 24.000 fermes industrielles pouvant héberger, par exemple, plus de 500.000 poulets chacune. Ces élevages produisent annuellement 420 millions de tonnes de lisier, soit plus du double du volume d’eaux usées généré par la population humaine du pays. Une partie de ce lisier est épandue directement sur les champs sans traitement, contribuant à la pollution du sol, des nappes phréatiques (nitrates, antibiotiques…) et de l’air (ammoniac, méthane, sulfure d’hydrogène). Les 1.400 fermes laitières des régions de Sacramento et Los Angeles, avec plus de 1,8 million de vaches, font de cette zone l’une des plus polluées du pays. L’industrie laitière et l’élevage y sont responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en Californie, malgré l’utilisation croissante de « digesteurs » qui transforment le méthane en énergie.
75 % des antibiotiques mondiaux
Dans ces élevages industriels, le stress causé par l’enfermement et la promiscuité affaiblit le système immunitaire des animaux. Pour limiter les pertes avant abattage, les exploitants utilisent près de 75 % des antibiotiques mondiaux, ce qui favorise l’apparition de bactéries résistantes et diminue l’efficacité des traitements chez l’humain. Ces substances, rejetées dans l’environnement via les déchets animaux, contaminent les eaux et menacent la santé publique. Selon la World Animal Protection, cette surutilisation entraîne près d’un million de morts prématurées chaque année et des pertes économiques mondiales de plusieurs centaines de milliards de dollars.
Non durable subventionné
Malgré ses effets délétères, ce système agroalimentaire non durable bénéficie de subventions publiques. Pour la World Animal Protection, il est aussi un moteur du changement climatique : l’élevage industriel serait responsable de 12 % des émissions mondiales de CO₂, soit 6,2 milliards de tonnes par an, dépassant celles de tout le secteur des transports. Le principal problème réside dans la taille des exploitations.
Pire encore, les États-Unis n’exportent plus seulement leur viande, mais aussi leur modèle industriel. L’Algérie prévoit une méga-ferme de plus de 200.000 vaches laitières en plein désert, un non-sens écologique. La Chine, elle, a déjà adopté ce modèle, avec notamment une ferme verticale en béton de 26 étages produisant 1,2 million de porcs par an.
Cet article est paru dans le Télépro du 17/7/2025