Mobutu : le léopard est né ce soir

Le « roi léopard » écrasa toute opposition de 1965 à 1997, année de sa chute, de son exil et de sa disparition © Gamma-Rapho via Getty Images

Le 25 novembre 1965, Joseph-Désiré Mobutu prend le pouvoir au Congo. Sa dictature, retracée samedi et dimanche soir sur La Trois, durera trente-deux ans.

6 novembre 1965, camp militaire de Kokolo, près de Kinshasa, au Congo. À l’avant-plan, sur les images en noir et blanc, un militaire à lunettes en tenue d’apparat. Il salue son hôte, un petit homme plutôt replet en uniforme de cérémonie immaculé. Tandis que le président Kasa-Vubu s’extrait péniblement de la limousine noire qui vient de le déposer, le général-major Joseph-Désiré Mobutu, commandant en chef de l’Armée nationale congolaise (ANC), lui tend la main. Pas un mot, aucun sourire, l’accueil est glacial. Tandis que les trompettes sonnent, côte à côte, les deux hommes, visages fermés, semblent ailleurs.

Les prémices

La situation dans le pays est explosive. Un an plus tôt, les paras belges ont sauté sur Kisangani et libéré dans le sang la ville et près de 2.000 otages détenus par des rebelles. Politiquement, les derniers jours ont été chaotiques. Des divisions minent la République démocratique du Congo. Au camp de Kokolo, les trompettes viennent de se taire. Très solennellement, Joseph Kasa-Vubu procède à la nomination de Joseph-Désiré Mobutu au grade de lieutenant général, le plus élevé de l’ANC. Mais le dirigeant doit sentir que sa présidence ne tient plus qu’à un fil… qui rompt neuf jours plus tard.

Joseph-Désiré Mobutu un an et demi avant le coup d’État, devant le portrait du président Kasa-Vubu © Getty Images

Le coup

Le 24 novembre 1965, avec l’aval du Président, le chef de l’ANC réunit chez lui tous les commandants des grandes unités. Officiellement, les militaires sont là pour commémorer la libération de Kisangani, un an plus tôt. Officieusement, Mobutu expose son plan. Pour restaurer la stabilité dans le pays, il va prendre le pouvoir. 25 novembre, 5h du matin : les lignes téléphoniques du Président sont coupées, la radio diffuse le communiqué du Haut-commandement. « La course au pouvoir des politiciens risque à nouveau de faire couler le sang congolais et tous les chefs militaires (…) ont pris (…) les graves décisions suivantes… » Le communiqué annonce la destitution de Kasa-Vubu et la désignation de Mobutu comme chef de l’État. 7h du matin : le Président reçoit sa lettre de destitution. À 35 ans, Mobutu prend les rênes du pouvoir. Il les tiendra d’une main de fer pendant trente-deux ans.

La toque du pouvoir

Si le coup d’État se déroule sans effusion de sang, la suite est moins reluisante. Le nouveau Président interdit les partis politiques, réprime durement les opposants au régime. La répression est systématique, l’ex-Premier ministre Évariste Kimba et trois autres ex-ministres sont exécutés. Mobutu utilise la violence et la peur pour imposer sa dictature, utilise les services de renseignements pour surveiller et éliminer les opposants politiques à l’intérieur et à l’étranger. Dans son documentaire « Mobutu roi du Zaïre » (1999), le réalisateur Thierry Michel décrit le maître du pays par ces mots : « Un roi léopard, félin et fauve, mélange de séduction et de cruauté raffinée, au point qu’ayant pris son peuple dans un envoûtement prolongé, il finit par être déifié. » Un roi qui arbore, telle une couronne, sa toque en léopard, le roi des animaux pour la tradition bantoue. Un dieu qui s’arroge le pouvoir de renommer le Congo en Zaïre en octobre 1971 pour rompre avec l’héritage colonial. Un être supérieur qui modifie son nom et devient Sese Seko, « le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter ».

Mobutu entre la reine Fabiola, le roi Baudouin et la princesse Paola, le 5 novembre 1969, lors d’une réception donnée en l’honneur de la première visite officielle à Bruxelles d’un chef d’État congolais depuis l’indépendance du pays © Gamma-Keystone via Getty Images

La Belgique

Au début de sa prise de pouvoir, les relations avec la Belgique sont plutôt bonnes. Très vite, elles deviennent complexes et équivoques. D’abord soutien de Mobutu, Bruxelles se désengage, notamment « en raison de la nationalisation de l’Union minière du Haut-Katanga, des tensions causées par des événements comme la rébellion des mercenaires de 1967, ainsi que des problèmes entre les compagnies aériennes Air-Congo et Sabena », mentionne le portail numérique Cairn.info. À une coopération initiale intense, notamment sur le plan économique et technique, succède une détérioration progressive des relations due à des différends politiques et financiers. Le 17 mai 1997, la prise de Kinshasa par l’Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila, met fin à trente-deux ans de dictature. Abandonné par ses soutiens occidentaux, Mobutu est contraint à l’exil. Le 7 septembre 1997, le « Léopard du Zaïre » s’éteint au Maroc à 66 ans.

Cet article est paru dans le Télépro du 20/11/2025

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici