En 1985, le navire de Greenpeace, le Rainbow Warrior, est saboté par les services secrets français. Les remous de ce scandale d’État feront longtemps des vagues. Ce mardi à 21h10, France 2 diffuse le documentaire « Qui a coulé le Rainbow Warrior ? ».
10 juillet 1985, Auckland, Nouvelle-Zélande. Cette nuit-là, le ciel est couvert, il fait froid, c’est l’hiver dans cette partie de l’hémisphère. Sur les docks du port, pas un chat. Seul le clapotis des vagues contre les coques des navires et le tintement des gréements viennent troubler le silence de l’endroit. 23h48 : une détonation. Forte. Elle semble provenir d’un chalutier de haute mer. Il s’appelle le Rainbow Warrior, le combattant de l’arc-en-ciel, navire amiral de l’ONG écologiste Greenpeace. Il mouille dans le port avant de partir en croisade contre des essais nucléaires français dans la région.
Une victime
23h49. Les personnes qui se trouvent à bord quittent le navire. Elles sont douze. Ou plutôt onze : un photographe qui accompagne la mission vient de redescendre dans sa cabine pour prendre son matériel. 23h51 : nouvelle détonation. Plus puissante encore que la précédente. Une gerbe d’eau s’élève des flots, retombe lourdement. Coque éventrée, le chalutier sombre. Le photographe Fernando Pereira, 35 ans, meurt noyé. Un silence glacial revient sur le port. Le fracas du scandale lui succède, assourdissant : le sabotage ne fait aucun doute.
Faux époux, vrais espions
Très vite, la police néozélandaise est sur une piste. Un vigile de la marina a remarqué une camionnette à proximité des lieux du drame. Elle a été louée par un couple de Suisses, les époux Turenge. Ils sont en réalité des agents des services secrets français, le commandant Alain Mafart et la capitaine Dominique Prieur.
Les deux agents de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) ont pour mission de superviser l’attaque du navire de Greenpeace. Au total, une dizaine d’agents sont impliqués. « Une équipe a infiltré l’équipage de Greenpeace et des nageurs de combat ont placé les explosifs contre la coque du navire », détaille France Info.
Opération « Satanique »
Une opération de cette envergure n’a pu s’organiser qu’avec l’aval du plus haut niveau de l’État français. L’une après l’autre, les pièces du puzzle s’imbriquent. Le motif tout d’abord. Greenpeace dérange. Lors de leur retentissante opération « Exodus », les activistes ont évacué tous les habitants d’un atoll pollué par douze ans d’essais nucléaires américains. Le Rainbow Warrior veut mettre le cap sur Mururoa pour dénoncer ceux de la France dans le Pacifique ? Inacceptable pour le ministre de la Défense, Charles Hernu !
Avec l’appui de la DGSE (et, selon l’ex-numéro 1 des services secrets, l’aval du président François Mitterrand), l’opération « Satanique » est lancée. Plusieurs options sont sur la table : intoxication alimentaire de l’équipage, « piratage » du carburant, bris de matériel… Finalement, est choisie celle des deux charges explosives fixées à la coque du chalutier, avec les conséquences dramatiques que l’on sait.
Happy end ?
Emportés par ce que certains qualifient de « l’un des plus grands scandales et mensonges d’État de la Ve République », le ministre français de la Défense démissionne et le patron de la DGSE est limogé. Contrairement à Richard Nixon, balayé par la tempête du Watergate en 1972, le président Mitterrand restera à la barre. Quant à Greenpeace, après avoir fait face à une violente campagne de dénigrement pour la décrédibiliser, l’ONG voit aujourd’hui l’affaire du Rainbow Warrior comme un symbole. « Celui de la résistance non violente, de la liberté d’informer et de la détermination à agir pour un monde plus juste. On ne coule pas un arc-en-ciel ! »
Cet article est paru dans le Télépro du 18/9/2025