Avec un milliard d’utilisateurs, Telegram est aussi populaire que Messenger. Mais c’est le refuge de criminels…
Messenger, WhatsApp, Snapchat… On utilise tous une messagerie pour rester en contact avec la famille et les amis. Mais l’une d’entre elles crée la polémique : Telegram. Avec son milliard d’utilisateurs, Telegram est désormais aussi populaire que Messenger, la messagerie de Facebook. Mais Telegram a un tout autre profil : fondée en Russie, basée à Dubaï, elle a surtout pour particularité d’être cryptée. C’est donc le terrain de jeu préféré des criminels en tous genres. Cela fait-il du fondateur de Telegram, Pavel Dourov, leur complice ? La question est posée mardi à 22h35 sur Arte, dans le documentaire « Telegram, l’affaire Pavel Dourov ».
Un Facebook russe
Dourov, c’est le Zuckerberg russe. Les deux hommes sont d’ailleurs nés la même année, en 1984. Pavel Dourov voit le jour à Leningrad, en URSS. En 1988, la famille déménage à Turin, où le père, éminent latiniste, est recruté par l’université. Pavel a 4 ans, il apprend l’italien en quelques semaines. Son frère, Nikolaï, 8 ans, est déjà un génie des mathématiques. Les Dourov rentrent en Russie après la chute du régime communiste. Les deux frères font de brillantes études et, à leurs heures perdues, chipotent sur des PC.

Au milieu des années 2000, au moment où Zuckerberg crée Facebook à Harvard, Pavel Dourov imagine un réseau semblable dans son université de Saint-Pétersbourg : VKontakte (VK). Puis, comme Facebook, VK sort du campus pour séduire un nombre croissant d’utilisateurs. En 2012, avec 172 millions d’abonnés, VK est la messagerie la plus utilisée en Russie et dans les pays voisins.
Le Kremlin intervient
Le succès de VK inquiète le Kremlin. Car les opposants au régime communiquent via la messagerie. Les autorités demandent à VK de censurer certains contenus, mais ausside leur communiquer une série de données. Dourov s’y refuse. En 2014, les tensions montent d’un cran avec les manifestations de la place Maïdan à Kiev, puis l’annexion de la Crimée par la Russie. Des proches de Poutine prennent possession de VK et en évincent Dourov. Sentant le vent tourner, le jeune Russe a déjà créé un autre outil : Telegram. Pour échapper au contrôle des autorités, cette nouvelle messagerie sera cryptée et basée à Dubaï. Telegram offre ainsi une liberté d’expression totale, que ne garantit aucune autre messagerie. Elle devient le refuge des opposants politiques – en Russie et en Ukraine, mais aussi en Iran et ailleurs.
Les vidéos de Daesh
Telegram offre donc un espace de communication sécurisé pour les défenseurs des libertés. C’était l’objectif premier de Dourov. Mais très vite, cet objectif est dévoyé par d’autres utilisateurs… Dès 2015, Telegram devient le principal support d’échange de l’État islamique. C’est sur Telegram que les terroristes de Daesh postent leurs vidéos de propagande. Interrogé à ce propos, Dourov répond que « le droit à la protection de la vie privée doit primer sur notre peur d’événements graves, comme les attentats terroristes ». Les autorités internationales ne l’entendent pas de cette oreille. D’autant qu’outre les terroristes, Telegram devient l’outil de criminels en tous genres : trafiquants d’armes ou de drogues, délinquants sexuels…
De Pavel à Elon
Peut-on exiger de Dourov qu’il régule les contenus de Telegram ? Pour le désormais milliardaire russe, la liberté prime sur tout. Mis en examen en France – il est naturalisé français depuis 2021 -, il pourrait être condamné pour complicité dans une série de méfaits commis via Telegram. Ce serait une première mondiale, qu’Elon Musk a déjà dénoncée.
Cet article est paru dans le Télépro du 20/11/2025