Roi Arthur : héros de propagande à la vie dure

Photo extraite du documentaire d'Arte, «Le Roi Arthur - L’envers du mythe» © Arte

Départ pour l’île de Bretagne, à la recherche du glorieux Arthur Pendragon, dont l’existence historique n’a jamais été attestée. Ce samedi à 21h45, Arte diffuse le documentaire «Le Roi Arthur – L’envers du mythe».

Merlin l’Enchanteur, Excalibur, Guenièvre et son amant Lancelot, la Table ronde, Mordred le traître, la fée Morgane, l’île d’Avalon, la forêt de Brocéliande, Camelot… Nombreux sont les éléments de la légende arthurienne à nous être familiers. Mais une quelconque vérité historique se cache-t-elle derrière leur récit mille fois raconté ?

Gildas le Sage (VIe siècle) et Bède le Vénérable (VIIIe siècle) sont à l’origine des plus anciens textes historiques de Bretagne. Chez eux, nulle mention d’Arthur. Le premier à le citer est le chroniqueur gallois Nennius, au IXe siècle, dans son «Histoire des Bretons». Mais il n’est pas roi, il est un «dux bellorum», un chef de guerre qui repousse les invasions saxonnes au Ve siècle.

Trois figures d’Arthur

Arthur n’a peut-être pas existé, mais plusieurs personnages, à l’existence bien attestée, peuvent l’avoir inspiré. Le premier est Lucius Artorius Castus, un commandant romain présent en Bretagne au IIe siècle. Autre candidat largement plébiscité : Ambrosius Aurelianus. Général breton issu de l’armée romaine, il a mené ses troupes à la victoire en arrêtant l’avancée des Saxons dans la seconde moitié du Ve siècle. Enfin, un troisième chef de guerre rejoint le casting : Riothamus. Surnommé «roi des Bretons», il meurt au combat en 470 lors d’un affrontement avec les Wisigoths, peuple germanique.

Best-seller de propagande

La légende arthurienne prend son envol au XII e siècle. Geoffroy de Monmouth, évêque et historien gallois, fait d’Arthur un héros. Entre 1135 et 1138, il rédige «L’Histoire des rois de Bretagne». Si l’ouvrage est un succès incroyable pour l’époque – plus de 200 manuscrits sont parvenus jusqu’à nous -, sa fiabilité est douteuse. Cette saga a davantage un rôle de propagande que de chronique historique : elle est rédigée à la suite d’une demande royale !

1066. Le roi anglais Édouard le Confesseur meurt sans héritier, mais en ayant promis la succession à Guillaume le Conquérant, le puissant duc de Normandie. Lors de la bataille de Hastings, la même année, Guillaume dépose l’Anglo-Saxon Harold Godwinson qui s’était emparé du trône. En 1135, Étienne de Blois, petit-fils de Guillaume, monte sur le trône, que convoite aussi sa cousine. Le pays est instable. Étienne doit légitimer sa place. L’astuce ? Présenter les Normands comme les successeurs d’un héroïque Arthur ! Geoffroy de Monmouth s’en charge…

Combats de chevaliers et amours courtois

Le cycle arthurien ne cesse alors d’être repris et enrichi. En 1155, le poète anglo-normand Robert Wace donne vie aux chevaliers de la Table ronde dans son «Roman de Brut». Mais ce sont les textes du poète français Chrétien de Troyes qui ancrent le code moral de la chevalerie dans la légende. Écrits à la fin du XIIe siècle, période de croisades, «Lancelot ou le Chevalier à la charrette», «Yvain ou le Chevalier au lion» ou «Perceval ou le conte du Graal» narrent des combats entre nobles chevaliers et des scènes d’amour courtois bien plus en adéquation avec l’époque de l’auteur qu’avec le V e siècle d’Arthur…

Le mot de la fin

Dans son ouvrage «Le Roi Arthur» (*), Alban Gautier, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Caen Normandie, tient peut-être la meilleure, mais la plus frustrante, des conclusions : «S’il n’est pas du tout assuré qu’un roi nommé Arthur ait jamais existé, prouver sa non-existence semble tout aussi impossible»… Dont acte.

(*) À lire Alban Gautier, «Le Roi Arthur», 208 pages, 13 € (Presses universitaires de France, 2019)

Cet article est paru dans le Télépro du 11/11/2021

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