Drogues : le plus vieux marché du monde

Un fléau que l'on retrouvait déjà dans l'Antiquité © Getty

L’homme consomme de la drogue depuis la nuit des temps. Son business n’a pas d’âge.

Ils s’appellent Pablo Escobar, Joaquín «El Chapo» Guzmán, Griselda «La Madrina» Blanco… Quelques noms célèbres dans la jungle des «narcos». Des barons et parrains du trafic de drogues mondialement connus et dont l’histoire fait l’objet d’une multitude de livres, de films et de séries télévisées à succès. Le business sur lequel ils ont régné et à la tête duquel d’autres (plus discrets, moins charismatiques, plus éphémères ou simplement plus récents et non encore connus du grand public) leur ont succédé, est particulièrement rentable.

Selon les statistiques, le trafic de drogue rapporterait chaque seconde 7.700 € aux trafiquants, soit un chiffre d’affaire annuel de 243 milliards d’euros. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), malgré la répression, moins de la moitié de la production de cocaïne serait saisie chaque année. Pour l’héroïne, c’est moins du quart…

La notion de «trafic de drogue» est relativement récente et n’apparaît véritablement qu’au début du XXe siècle avec les premières législations internationales. Par contre, le marché remonte à plusieurs milliers d’années.

Au commencement était l’opium

«La première substance de cet ordre à avoir été découverte par l’homme est l’opium, il y a 8.000 ans, un peu partout dans le monde», note le chercheur britannique Richard Davenport-Hines. Selon le pharmacologiste anglais Louis Lewin, des capsules de pavot auraient été retrouvées parmi des vestiges de l’âge de pierre découverts dans les lacs suisses. «Il paraissait s’agir», écrit-il, «de plantes cultivées en vue, peut-être, d’en extraire le somnifère».

Dans le plus ancien langage écrit connu, le sumérien (3.100 avant Jésus-Christ), on trouve un idéogramme présentant une fleur d’opium comme «la plante de la joie». Et Louis Lewin de poursuivre : «Aucune substance chimique non alimentaire au monde n’est plus intimement liée à la vie humaine». Dans la Rome antique, par exemple, plusieurs dizaines de boutiques vendaient de l’opium à des fins thérapeutiques. En Grèce, dès le Ve siècle avant Jésus-Christ, le poète et législateur Diagoras de Mélos met en garde contre son utilisation.

Le premier grand problème international

L’opium continue son petit bonhomme de chemin. Des marchands arabes l’introduisent en Inde et en Chine au VIe siècle de notre ère et sept cents ans plus tard, le pavot est de retour en Europe par l’intermédiaire des croisés. Au début, il est utilisé essentiellement pour ses vertus médicinales et, petit à petit, sa commercialisation prend de l’ampleur. Dès le XVe siècle, on commence à parler d’un trafic important. Les maîtres du marché sont portugais et hollandais. Les Anglais entrent ensuite dans la danse. Les choses prennent tellement d’ampleur qu’une guerre oppose bientôt le Royaume-Uni à l’Empire Qing de Chine.

Comme le rappelle Futura-Sciences, vers la moitié du XIXe siècle, les Britanniques ont le monopole du commerce de la drogue. Les Chinois interdisent l’usage de celle-ci, ce qui déclenche une véritable guerre de l’opium. Elle dure trois ans (1839-1842) et se termine par la victoire des Britanniques qui empochent la gestion de Hong Kong par la même occasion.

«Un échec retentissant»

«Le premier grand problème international se centre autour de ce qu’on appellera un siècle plus tard un stupéfiant», concluent Jean Dugarin et Patrice Nominé dans leur article «Toxicomanie : historique et classifications». Premier traité international relatif au contrôle des drogues signé en 1912 à La Haye, la Convention internationale de l’opium sera la première initiative d’une longue liste pour tenter d’enrayer le fléau.

Opium, morphine, héroïne, cocaïne, cannabis, hallucinogènes… «La guerre contre la drogue s’est soldée par un échec retentissant, multipliant les trafics, renforçant la production et la consommation tout en réprimant les paysans producteurs et les consommateurs», constate Pierre-Arnaud Chouvy, chargé de recherche au CNRS.

Selon les estimations de l’OMS, aujourd’hui, 250 millions de personnes font usage d’une drogue. Depuis le 1er janvier, 17.000 personnes en sont mortes.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 6/2/2020

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