Environnement : quand le chêne sent le sapin

La présence de feuilles mortes est un des premiers signes d’une infection par le phytophthora ramorum © Isopix

Menacé par de multiples agresseurs, le noble arbre plie. Avant de rompre ? Ce lundi à 17h10 sur Arte, le magazine «Xenius» nous emmène en forêt.

«Lorsqu’un chêne sent le sapin, il sait que sa dernière heure est arrivée», disait le maître du jeu de mots, l’humoriste franco-belge Raymond Devos. La situation à laquelle cet arbre majestueux est confronté ne prête plus à sourire aujourd’hui.

Bactéries, champignons, insectes… : pour reprendre La Fontaine et sa fable «Le Chêne et le Roseau», nous dirons que si sa tête au ciel est toujours voisine, les pieds du chêne touchent aujourd’hui plus qu’hier à l’empire des morts. Mais qui sont donc ses agresseurs ?

Un tueur implacable

1995. Après de longues investigations, des scientifiques américains démasquent le responsable de la mort d’un nombre impressionnant de chênes. Un véritable carnage baptisé «mort subite du chêne» qui ravage les forêts californiennes. Selon l’étude publiée par la National Academy of Sciences (NAS), le phytophthora ramorum, alias «moisissure humide», pourrait, à terme, être la cause de la disparition de l’arbre !

La maladie causée par ce microorganisme semblable à un champignon se caractérise par des feuilles racornies, des taches blanches sur les troncs provoquant des fissures dans lesquelles s’engouffrent des insectes qui creusent des galeries et tuent l’arbre. La maladie se propagerait par la pluie et les vents. Les victimes se compteraient par millions. Pire. Futura Sciences relaie des observations de chercheurs selon lesquelles le syndrome touche aussi les sapins Douglas et les séquoias de Californie, menaçant un secteur économique estimé à un milliard de dollars par an.

Prendre le mal à la racine

Pour enrayer le phénomène, l’Australie a recouru à l’emploi massif de pesticides. Inimaginable dans des régions aussi peuplées que la Californie ou l’Oregon. Reste donc l’abattage préventif et celui systématique des arbres malades. Quant aux conséquences, elles sont multiples. Toujours selon le rapport de la NAS, la disparition des chênes va de pair «avec la perte de « poumons » luttant contre le dioxyde de carbone». Des espèces animales comme les écureuils ou les piverts sont fragilisées. Ajoutons à cela, qu’en période de sécheresse, les arbres morts servent de combustibles aux incendies…

Le gang des nuisances

La «moisissure humide» n’est pas la seule qui en veut au chêne. Feuillage couvert de blanc ? C’est surement l’oïdium, un champignon, qui a fait le coup. Feuillage flétri ? Un autre champignon, le ceratocystis fagacearum, ne doit pas être loin, même s’il ne touche que le continent américain. Feuilles grignotées ? La bande des chenilles processionnaires est dans la place. Scolytes, sécheresse, tempêtes… la liste n’est pas exhaustive.

L’arbre qui cache la forêt

Mais voici que les menaces qui planent sur le chêne font courir d’autres dangers. Pour mieux les protéger, certains pays décident de protéger leurs forêts, mais sans diminuer pour autant leur consommation. C’est le cas de la Chine. Elle fait donc massivement ses emplettes sur le marché international, notamment chez le premier producteur européen de chêne : la France. Une situation qui ne présente pas que des avantages pour l’économie locale.

Pas question pour les Chinois de passer par la case «scierie» : les arbres abattus (près d’un cinquième de la production française de chênes) prennent directement la direction des ports de l’Hexagone puis de l’Empire du Milieu où ils seront débités. Les conséquences pour l’emploi sont catastrophiques. La Fédération nationale du bois évoque les chiffres de 200.000 emplois directs et indirects menacés, 26.000 rien que dans les scieries françaises.

Comment protéger l’emploi et favoriser l’économie tout en protégeant la santé des chênes ? La réponse à ce dilemme, c’est à nouveau un manieur de mots qui nous la fournit. «Toute la vie est une affaire de choix», disait Pierre Desproges. «Cela commence par « La tétine ou le téton ? » et cela s’achève par « Le chêne ou le sapin ? »»

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 15/10/2020

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