Femmes à barbe, une vie sur le fil du rasoir

Interdites en Europe, à la fin du XIX e siècle, les exhibitions de «monstres» perdurent aux États-Unis sous le terme de «freak shows». Julia Pastrana (1834-1860) y était présentée comme «la femme singe». © Isopix

Les femmes à barbe ont longtemps été des objets de curiosité. Certaines d’entre elles ont même été célèbres. De quel mal souffrent-elles ? Quelles sont leurs histoires ? Coup de projecteur sur des femmes au poil !

Du XIX e au XX e siècle, les cirques remportent un succès fou, présentant au public un monde inconnu, peuplé de bêtes exotiques, d’artistes, mais aussi de «freaks». Ces «monstres», femmes troncs, hommes squelettes, nains, géants, siamois et autres mystères de la nature rameutent alors les foules, tout comme le font les femmes à barbe, clou du spectacle… Parmi elles, certaines se sont fait connaître à travers le monde.

Julia Pastrana

En 1834, au Mexique, un bébé presque entièrement couvert de poils voit le jour : Julia Pastrana. À 16 ans, elle est vendue à Theodore Lent, qui l’exhibe de foire en foire, la présentant comme «la femme la plus laide du monde» ou «la femme singe». Pour éviter de perdre sa poule aux œufs d’or, Lent décide de l’épouser. Lorsqu’elle tombe enceinte, sa petite taille (1 m 34) inquiète les médecins, à raison. Ni elle, ni son fils, également atteint d’hypertrichose, ne survivent à l’accouchement. Plus attristé par la perte de son gagne-pain que par celle de sa famille, Lent décide de les faire embaumer pour les exposer. Pendant plus d’un siècle, les momies sont exhibées avant d’être confisquées en 1970 par le gouvernement norvégien. Après maintes péripéties, la dépouille de Julia retrouve sa terre natale en 2013.

Annie Jones

Née en 1865 en Virginie, Annie Jones naît avec du duvet au menton. Ses parents flairent instantanément le bon filon. Dès 9 mois, le bébé est exposé à New York par le célèbre P.T. Barnum, roi des freak show et prince des charlatans (dont la vie a été librement adaptée dans «The Greatest Showman», en 2017). Rapidement, elle devient l’une de ses attractions phares, à tel point que Barnum offre à sa mère un contrat pour exploiter la fillette, qui grandira au sein du cirque Barnum.

Le contraste entre sa barbe bien touffue et sa féminité en font une star auprès des badauds. Et des hommes ! «La femme à barbe» a été mariée deux fois. À la fin de sa vie, elle se battra pour que ne soit plus utilisé le terme de «freak» pour qualifier ses collègues aux particularités physiques insolites.

Belle et barbue

Les femmes à barbe n’ont évidemment pas disparu avec les freak shows. Leur hyperpilosité s’explique par deux troubles : l’hirsutisme, qui ne touche que les femmes et se caractérise par l’apparition de poils dans des zones de pilosité masculine et l’hypertrichose, qui concerne aussi bien les hommes que les femmes. Dans ce cas, des poils poussent sur l’ensemble du corps ou sur une partie localisée.

5 à 10 % des femmes

L’hirsutisme touche aujourd’hui 5 à 10 % des femmes et est principalement causé par le syndrome des ovaires polykystiques. C’est de ce mal que souffre Harnaam Kaur, jeune Britannique de 29 ans. Dès l’âge de 11 ans, elle doit épiler son visage à la cire. Poussée à bout par les moqueries, elle envisage le pire avant le déclic : «J’ai décidé d’être moi, de garder ma barbe et de faire fi des attentes de la société quant à l’apparence qu’une femme devrait avoir», a-t-elle confié à Kat Williams, rédactrice en chef du blog Rock N’Roll Bride, pour lequel elle a posé en robe de mariée. Activiste de la confiance en soi, elle affole les médias en insistant sur son message : «Aimez-vous, vous êtes le seul « moi » que vous avez !»

Le film «The Lion Woman» est diffusé, en inédit, vendredi à 20h55 sur Arte.

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