Nettoyer, astiquer… s’intoxiquer

Il existe des alternatives pour réduire l’utilisation et remplacer les produits d’entretien par des techniques de nettoyage naturelles © France 5/Golden Light Productions

Alors que notre époque prônait déjà les vertus d’un intérieur ultra hygiénique, la pandémie de covid-19 a accentué ce besoin d’aseptiser nos maisons, coûte que coûte. Ce mardi à 21h, France 5 diffuse le documentaire «Produits nettoyants : l’heure du grand ménage».

À en croire les publicités dédiées au secteur de l’hygiène, les surfaces que nous touchons représentent un grand danger de tomber malade, à moins de les désinfecter au maximum. Mais, ces produits qui affirment combattre «99,99 % des virus» sont-ils les garants d’un intérieur réellement sain ? Quel impact pour notre santé ? Réponses.

Dis-moi ce que tu inhales…

Alors que nos grands-parents se contentaient d’eau, de savon et d’une goutte de vinaigre pour nettoyer, nous sommes autrement plus équipés. Selon une étude norvégienne publiée dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medecine, organisation reconnue, nous ferions mieux de revenir aux recettes d’antan. L’enquête révèle un phénomène pour le moins inquiétant : les femmes qui utilisent régulièrement des produits de nettoyage semblent avoir un déclin de leur fonction pulmonaire plus important avec l’âge que les autres femmes.

«Chez celles qui font de l’entretien ménager comme travail, ce déclin serait similaire à celui des fumeurs qui consomment un peu moins que vingt paquets par années», détaille Ève Beaudin, journaliste à l’Agence Science-Presse. «Comprenez, l’équivalent de fumer un paquet par jour pendant vingt ans.»

Un constat qui n’étonne pas Marie-Ève Girard, inhalothérapeute à l’association pulmonaire du Québec. «Les résultats corroborent ce que nous suspections déjà, c’est-à-dire que les polluants chimiques inhalés restructurent nos voies respiratoires au fil des ans, modifiant ainsi leur bon fonctionnement.» Néanmoins, la comparaison avec la cigarette s’arrête là. «On ne mentionne pas que les produits nettoyants sont cancérigènes dans cette étude, on parle seulement des atteintes aux parois pulmonaires.»

Où sont les hommes ?

Ce qui peut surprendre, en revanche, c’est que l’étude ne parle que des femmes. L’explication est simple, sur les 6.235 participants, examinés durant vingt ans, les sujets masculins pratiquant un entretien ménager régulier étaient peu nombreux. Une sous-représentation sans aucun doute liée au fait que la gent féminine prend, encore aujourd’hui, davantage en charge le nettoyage, qu’il soit domestique ou professionnel. D’après l’observatoire des inégalités, en Europe, l’évolution de la répartition des tâches est au point mort depuis 2003. En 2020, 80 % des femmes faisaient la cuisine ou le ménage au moins une heure chaque jour, contre 36 % des hommes.

Excès d’hygiène ?

Alors que l’on impute de plus en plus à l’excès d’hygiène la recrudescence de l’asthme ou de certaines allergies, Sally Bloomfield, professeure à la London School of Hygiene, tient à temporiser, comme le relate le magazine Slate. «Si jouer en extérieur au contact de la terre serait certainement bénéfique pour les enfants, car ils se retrouvent exposés à des bactéries qui jouent un rôle pour leur santé, il est toutefois essentiel qu’ils se lavent les mains avant les repas et après être allés aux toilettes», souligne le rapport. La Société royale de santé publique préconise en réalité une hygiène ciblée. «Laver le sol, tout comme passer du temps à récurer l’intérieur de la cuvette des toilettes, n’a pas tant d’importance. En revanche, il est essentiel de nettoyer les surfaces de préparation des aliments et de lessiver les torchons.»

Cet article est paru dans le Télépro du 2/2/2023

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