Adamo : «Chanter l’amour est devenu difficile»

«Pendant le confinement, j’ai écrit une vingtaine de chansons», nous confie Salvatore Adamo © Isopix

Vendredi dès 21h, France 2 et la RTBF diffusent, en direct et en simultané de l’Accor Arena à Paris et du Cirque Royal à Bruxelles, une soirée musicale exceptionnelle.

En association avec les télévisions et radios belges, suisses et canadiennes, les plus grands artistes et les jeunes talents de la chanson se produiront sur scène, mais sans public. Le chanteur Adamo (76 ans) est heureux de participer à cette soirée hors du commun.

Que représente pour vous la fête de la musique ?

Comme tous ceux qui sont concernés par la musique, je me suis réjoui qu’on instaure cette fête qui est une belle reconnaissance pour cette activité, que certains ne considèrent toujours pas comme un métier. C’est une sorte d’officialisation du métier même si, en ce qui me concerne, j’ai la chance de l’avoir toujours envisagé comme un hobby.

Cette nouvelle édition sera-t-elle particulière ?

Oui car à cause du covid-19, les duos seront virtuels. En direct et par écran interposé, j’aurai le plaisir de chanter «Vous permettez, Monsieur ?» avec Bénabar. Lui sera à Paris et moi à Bruxelles. Je suis ravi car Bénabar est un de mes rares amis dans le métier.

Chanter de façon virtuelle ne vous gêne pas ?

En fait, je me suis surpris à y prendre beaucoup de plaisir parce que, comme je n’aime pas trop me mettre en avant en prenant la parole, j’étais plutôt discret sur les réseaux sociaux. Mais à cause du confinement, comme tous mes concerts ont été annulés, l’idée m’est venue d’envoyer des chansons sur Facebook. Avec plus d’un million de vues et des réactions insoupçonnées, j’ai réalisé que c’était une belle façon de rester en contact avec mon public. J’ai décidé de continuer bien au-delà du confinement car ce contact virtuel n’empêche pas l’émotion.

Êtes-vous content d’être reconnu par la jeune génération ?

Cette reconnaissance était ce qui pouvait m’arriver de mieux. Elle a commencé dans les années 1990, avec un rajeunissement de mon public grâce à un fort engouement pour les chansons des années 1960. Comme je ne suis pas un homme tourné vers le passé, je refuse d’être enfermé dans une case, j’avais intégré dans mes concerts des chansons plus récentes.

N’êtes-vous agacé par votre image de chanteur gentil et lisse ?

Sur scène, comme je laisse libre court à mon espièglerie, le public de mes concerts sait pertinemment que cette image ne me correspond pas. Sur mon dernier album, dans la chanson «Méfie toi des gentils», je me moque de cette gentillesse qu’on m’attribue et que j’accepte lorsqu’elle exprime une forme de bonté. Mais je m’insurge lorsqu’elle laisse entendre que je n’ai rien à dire !

Pourriez-vous définir le style Adamo ?

Mon style se définit d’abord par ma voix et par une certaine pudeur qui ne m’a jamais empêché de dénoncer certains faits, mais de façon poétique. Mon style se résume à un réalisme poétique composé d’allégories ou de métaphores tout en évitant un langage trop prosaïque.

Vos chansons évoquent, essentiellement, l’amour. N’êtes-vous pas un homme amoureux de l’amour ?

C’est vrai que l’amour est mon thème de prédilection car ce sont les chansons d’amour qui me touchent et qui m’émeuvent le plus. Aujourd’hui, écrire une chanson d’amour absolument sincère, sans appliquer de recette, est devenu très difficile parce qu’il faut trouver une façon différente de décliner le sentiment amoureux. Lorsque j’y arrive, je suis le plus heureux des hommes. Dans le cas contraire, je dévie vers des choses que j’ai envie de dénoncer, mais ces chansons plus concernées, je les écris aussi par conscience moral.

Sur les 850 chansons que vous enregistrées, quelle est celle qui vous ressemble le plus ?

Une chanson est toujours une question d’émotion et de sensibilité. En choisir une équivaut à me demander de désigner celui de mes enfants qui me ressemble le plus ! Parmi les plus connues, «Tombe la neige» est ma chanson fétiche parce que c’était la chanson préférée de mes parents et qu’elle m’a porté bonheur. «La Malice» est une chanson peu connue, mais qui me ressemble vraiment car elle dévoile une grande partie de mon caractère.

Vous êtes Belge et Sicilien. Dites-nous, dans votre caractère, quelle est la partie belge et la partie sicilienne ?

Mon côté latin et méridional se retrouve dans mes mélodies aux airs siciliens plein de malice et de joie de vivre. En revanche, certains de mes textes comme «Les Filles du bord de mer» ont une résonnance nordique. Entre ces deux cultures, le point commun est le surréalisme. Je vis en Belgique depuis plus de 70 ans, j’en suis donc totalement imprégné, mais lorsque je retourne en Sicile, même si j’y ai vécu très peu de temps, je ressens une espèce d’appartenance intérieure inexplicable.

Votre sens profond de la famille relève-t-il de la Belgique ou de la Sicile ?

Peut-être un peu des deux, mais c’est un sentiment normal. À notre arrivée en Belgique, avec mes parents, nous avons vécu dans des baraquements et traversé des moments difficiles. Au fil du temps, la famille s’est agrandie et nous nous sommes intégrés. La vie n’était pas rose et dès que j’ai eu la chance de gagner de l’argent grâce à la chanson, j’ai chargé mon père d’en faire profiter toute la famille.

Regrettez-vous de ne pas être devenu le footballeur que, jeune, vous rêviez d’être ?

Avec le temps et en regardant aujourd’hui les joueurs, je suis beaucoup plus modeste car j’ai pris conscience que, même si à l’époque le football se pratiquait différemment, je n’avais peut-être pas l’étoffe pour atteindre le niveau d’un Pelé ou d’un Platini. C’était un rêve, mais comme on dit souvent, le chemin qui conduit au rêve est parfois plus important que le rêve lui-même.

Pour Dave, vous êtes le chanteur belge le plus emblématique. Cela vous fait-il plaisir ?

Cela me fait plaisir de l’entendre, mais sincèrement, je ne vis pas avec cette idée en tête. J’ai conscience de la chance que j’ai eue et je sais que, si demain, personne ne me reconnaît plus dans la rue, j’en serais très malheureux car je regretterai, avant tout, le sourire que les gens m’adressent.

Après soixante ans de carrière, l’inspiration est-elle toujours au rendez-vous ?

C’est peut-être un peu prétentieux, mais je continue d’en avoir un peu trop. Pendant le confinement, j’ai écrit une vingtaine de chansons qui se sont enchaînées. Alors que certaines sont déjà presque terminées, j’attends toujours les vacances pour les finaliser. Mais d’ores et déjà, je dispose de quoi enregistrer au moins deux albums !

Avez-vous une idée du secret de votre succès ?

Franchement, je préfère ne pas le savoir parce que si c’était le cas, peut-être perdrais-je une certaine sincérité en répétant des recettes toutes faites ? À la longue, le public qui sait repérer ceux qui mentent et qui trichent, s’est bien rendu compte que ce n’était pas mon cas.

Êtes-vous toujours émerveillé par la vie ?

Oui et c’est une chance de conserver cette source d’émerveillement. Aujourd’hui, je suis gaga devant mes petites filles qui sont un vrai rayon de soleil dans ma vie.

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