Arnaldur Indridason, l’étoile polar de la littérature islandaise

Arnaldur Indridason, l'étoile polar de la littérature islandaise
AFP

Avec une écriture aussi limpide que ses personnages sont tourmentés, l’Islandais Arnaldur Indridason, une des « stars » du polar nordique, tendance réalisme social, a beaucoup contribué à la « floraison » récente en Belgique et en France de la littérature islandaise.

« Arnaldur Indridason est une star. Il a joué un rôle majeur dans l’intérêt relativement récent des Français pour la littérature islandaise contemporaine et pas seulement policière », expliquait samedi à l’AFP Gérard Meudal, ancien critique littéraire à Libération puis au Monde et traducteur des livres de Salman Rushdie, alors que la foule se pressait autour d’Arnaldur Indridason pour une séance de dédicace organisée à Caen à l’occasion du festival les Boréales.

Selon son éditeur Anne-Marie Métailié, le « phénomène » Indridason, c’est un nouveau roman par an depuis 2002 en France, pour 12 millions de livres vendus dans le monde, dont 3,6 millions dans l’Hexagone ».

Entretemps, « on a aujourd’hui une dizaine d’auteurs islandais en France », complète M. Meudal. Et le traducteur d’Arnaldur Indridason, Eric Boury, a traduit quarante romans islandais en français depuis 2002.

« Le polar est à la mode. Et l’Islande est très en vogue », avance humblement l’écrivain de 55 ans, interrogé par l’AFP sur les raisons de son succès. « Le tourisme a explosé en quatre ans. On est passé d’un demi-million de visiteurs par an à deux millions, soit cinq fois la population islandaise », a-t-il précisé ensuite lors d’une rencontre avec le public à Caen.

L'auteur islandais Arnaldur Indridason à Frankfort, le 13 octobre 2011

« Ecrire pour un public aussi exigeant que les Islandais oblige l’écrivain à se dépasser », analyse celui qui fut en 1997 le premier Islandais à oser se lancer dans le polar, genre méprisé à l’époque par ce pays très littéraire.

« Pour être crédible dans un pays où il se passe peu d’événements d’un point de vue criminel, j’ai dû trouver autre chose que des fusillades ou des meurtres en série. Je me suis attaché aux affrontements intérieurs des personnages », explique cet homme tranquille, grand et carré, traduit dans plus de 20 pays.

Emergent alors des thématiques peu courantes dans les polars, comme les relations parents-enfants.

Un commissaire «obsédé par les disparitions»

« On n’est pas dans du spectaculaire. Le décor a une importance. Les personnages sont approfondis. C’est pas l’enquête qui nous tient en haleine, c’est tout ce qu’il y a autour », confirme Antoine Ladune de la Nouvelle Librairie Guillaume à Caen.

« Mon personnage principal, l’enquêteur Erlendur, trouve, semble-t-il, un même écho chez le lecteur, quel que soit » le pays, ajoute Indridason qui a été critique de cinéma avant de vivre de sa plume. Au fil des romans, on découvre ce commissaire « solitaire, obsédé par les disparitions, depuis celle de son petit frère, dont il se sent responsable », rappelle l’ex-journaliste. « Il sait très bien que celui qui accomplit un acte criminel n’est pas forcément l’unique coupable », ce qui en fait un personnage très empathique, expose ce père de trois enfants.

« J’aime sa manière terriblement réaliste de nous faire aimer l’Islande. Erlendur est très intéressant car abîmé », s’enthousiasme Christine Angé, une Belge de 34 ans venue de Liège pour écouter son écrivain fétiche.

Au-delà des glaciers islandais, peut-être les lecteurs apprécient-ils la « paix » dont jouit Erlendur dans les derniers polars, qui se déroulent « à une époque sans smartphone (les années 1970) où, bizarrement, on rencontrait les gens pour leur parler », a souligné malicieusement l’écrivain devant le public caennais.

Indridason séduit aussi avec sa connaissance de l’histoire de son pays, ligne de front pendant la Guerre froide. Nombre de personnages sont marqués par un exode rural brutal.

« Un bon roman policier aboutit à un roman social. Mais je n’écris surtout pas au nom d’une idéologie. Je montre le monde dans toutes ses nuances de gris. Au lecteur de juger », souligne l’écrivain « dégoûté » par la politique même s’il a voté aux dernières élections islandaises le 29 octobre. Il ne dira pas pour qui.

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