Dubaï, le nouvel eldorado des influences

Mélanie Dedigama (10 e saison de «Secret Story», «La Villa des cœurs brisés» sur AB3 et Plug RTL), 31 ans, et son compagnon Vincent Lecrocq («La Bataille des couples»)... sont à Dubaï depuis 2019. © Ilan DEUTSCH

Pas d’impôt, une sécurité incomparable à celle de la France, une vie de luxe et de paillettes…, les influenceurs français, tous jeunes trentenaires issus de la téléréalité, ont choisi Dubaï comme lieu de résidence… Malgré la charia.

Musique à fond, effets pyrotechniques, danseuses orientales et cracheurs de feu. Il fait nuit noire, la fête bat son plein au milieu du désert. À leur table, Manel et Nawel, deux Parisiennes de 25 et 28 ans, affichent de larges sourires. «Aller au resto, on en rêvait ! On voulait s’aérer, sortir de l’ambiance covid.» À la dernière minute, mi-décembre, munies d’un test PCR négatif, elles se sont envolées pour dix jours de vacances à Dubaï et les voilà propulsées dans les dunes, une excursion très prisée des touristes, qui comprend dîner, spectacle, quad, chameaux, surf des sables et shopping dans le campement bédouin. 400 € le billet d’avion, 150 € la nuit la suite avec jacuzzi dans un 5 étoiles, elles n’ont pas hésité. Comme beaucoup d’autres. «La queue interminable pour sortir de l’aéroport !», rigole Manel. «On avait l’impression que toute la France débarquait. Ça ressemblait à un pèlerinage.»

QG de la téléréalité française…

Selon Issam Kazim, PDG de l’Office du tourisme, «Dubaï est très prisée par les Français. À la réouverture, le 7 juillet, ils ont fait partie des premiers arrivés et viennent en masse.» En un an, au classement des visiteurs, les touristes hexagonaux sont passés de la 11e à la 6e place. Entre juillet et septembre 2002, ils étaient près de 15.000. Ce qu’ils recherchent : soleil, plages, parcs d’attraction, centres commerciaux et… spots de rêve vus sur les réseaux sociaux. La destination, quasi inexistante il y a une dizaine d’années, a aussi gagné en notoriété grâce à une petite clique aussi bruyante que visible sur Internet. «Un grand nombre d’influenceurs sont venus s’installer ici», explique Issam Kazim, qui refuse de dévoiler les budgets alloués à ce type de marketing. «Ce sont des ambassadeurs naturels du pays.» Leurs photos, au cœur de l’extravagante cité émiratie, valent toutes les campagnes de publicité du monde.

Thomas et Nabilla…

La plus célèbre, Nabilla Vergara, 6,5 millions d’abonnés sur Instagram, est arrivée avec son mari Thomas il y a un an et demi, juste après la naissance de leur fils. Elle nous reçoit dans son penthouse situé sur l’île artificielle de Palm Jumeirah. Avec vue sur les gratte-ciel, plage de sable blanc, piscine, pièces à gogo, dressing géant, salle de sport et de massage. «Dubaï, c’est génial. Ça n’arrivera jamais à la cheville de la France, mais c’est reposant. Au moins, je n’ai pas peur de me faire voler mes sacs. On dort même la porte ouverte !» La sécurité du pays est l’argument numéro 1 avancé par ces adeptes d’une vie tape à l’œil. Julien Tanti («Les Marseillais»), 4,6 millions de followers : «À Marseille, en bas de chez moi, des hommes m’ont braqué. J’avais un pistolet sur la tempe, ils voulaient ma montre et ma voiture. Maintenant, je peux me promener dans les parcs avec mon fils et ma femme sans avoir peur.»

Nabilla, qui n’hésite pas à s’afficher avec un sac Hermès à  16.300  €, est sans doute plus en sécurité à Dubaï qu’à Paris...  Elle pose avec son mari Thomas Vergara dans leur penthouse  situé sur l'île artificielle de Palm Jumeirah.

Pas d’impôt…

Autre argument, moins avouable, la fiscalité très clémente. Les résidents ne paient aucun impôt, que ce soit sur le revenu, la fortune ou les sociétés. «Pour profiter de ces avantages, détaille l’avocat Michael Kortbawi qui s’occupe de nombreux Français, il ne faut pas quitter les Émirats arabes unis plus de six mois dans l’année. Créer une société freezone (*) permet aux expatriés d’obtenir un visa de résidence, une Emirates ID (carte d’identité, ndlr) et un permis de conduire local. Le coût initial est de 20.000 € et le renouvellement annuel de 10.000 €.» Une broutille pour les stars du Net. Les plus en vue gagnent facilement quelque 100.000 € par mois.

«Sommes à 6 chiffres…»

Les marques de lingerie, cosmétiques, électroménager… rémunèrent de 200 à 5.000 € le «post» – comprenez la publication d’une photo avec placement de produits sur Instagram et/ou Snapchat. Sans compter que la plupart ont aussi lancé leur propre entreprise de mode, parfums, ou maquillage… «J’ai tout fait toute seule», assume Nabilla. «Il faut travailler, travailler et travailler. Des fois, quand je refuse un produit, on me propose encore plus d’argent. Des sommes à 6 chiffres… et là forcément on est tous humains…» Illan Castronovo, candidat de téléréalité, 1,2 million d’abonnés, renchérit. «Oui, on a de l’oseille, mais on a une vie de psychopathe, les gens ne se rendent pas compte. On doit faire attention à toutes nos fréquentations.»

Dubaï et la charia

Faire attention à leur comportement aussi. Dubaï est une ville de paradoxes. Qui vit du tourisme et du commerce, prône l’ouverture et se vante de posséder un ministère du Bonheur ainsi qu’un tout récent ministère des Possibilités. Mais reste un territoire musulman où s’applique la charia (lois islamiques). Le mois dernier, pour attirer encore davantage les Occidentaux, les Émirats arabes unis ont annoncé que le concubinage et la consommation d’alcool étaient désormais autorisés. L’homosexualité reste néanmoins un délit passible d’emprisonnement, s’embrasser en public ou danser dans la rue expose à des poursuites, et l’Office du tourisme recommande aux visiteurs de «s’habiller de façon modeste».

L'agent artistique et fondatrice de Shauna Events, Magali Berdah (assise) posant  avec ses influenceurs stars : (de g. à dr.) Camelia et son mari Tarek Benattia  (frère de Nabilla), qu’on a vu dans «Les Anges» et «Allô Nabilla», Maeva  Ghennam («Les Marseillais», «Moundir et les apprentis aventuriers»...)  et Illan Castro («Les Marseillais», «La Villa des cœurs brisés»...)

Avertissement

Maeva Ghennam, 23 ans, célébrité de la téléréalité (3 millions de followers sur Instagram) et adepte des petites brassières, en a fait les frais. À peine arrivée début décembre, elle se voit remettre un «avertissement» par l’agent de sécurité d’un centre commercial. Une carte noire avec l’inscription suivante : «Merci de porter des vêtements respectueux». La jeune femme achète illico un pull pour cacher son tee-shirt trop court et trop moulant, en n’oubliant pas de se filmer, histoire de faire le buzz. «Je ne savais pas. Le problème c’est que quand j’ai chaud, je me dénude. Sachez que je vais changer ! Maintenant que je vis à Dubaï, je vais respecter les règles et me couvrir.» Un vœu pieux si on jette un coup d’œil à son fil Instagram… Certains de ses collègues n’hésitent pas en revanche à poser en tenues traditionnelles. Centaines de milliers de like assurés.

Entre-soi

En ville, la grosse dizaine d’influenceurs et leurs familles cultivent l’entre-soi : excepté Nabilla, ils vivent dans le même quartier résidentiel, cossu et ultra-sécurisé de Mohammed Bin Rashid Al Maktoum City – District one. Louent des villas identiques garanties 100 % marbre (100.000 € l’année pour plus de 1.000 m2). Roulent en Ferrari. Sortent dans les mêmes endroits, dévalisent les mêmes boutiques griffées, partagent le même coiffeur, le même chirurgien esthétique et surtout le même agent. Magali Berdah, 39 ans, gère 80 % de ce beau petit monde.

Agent d’assurance…

Dans la suite qui lui sert de chambre et de bureau, au 28e étage d’un 5 étoiles qui surplombe la célèbre plage de Jumeirah, elle se raconte. Il y a quatre ans, sa compagnie d’assurance à Antibes se retrouve en faillite et elle est surendettée. Une de ses salariées lui présente alors une star de la téléréalité. «Elle allait dans un hôtel pour faire de la pub en échange de nuits gratuites. Je l’ai accompagnée et lui ai négocié 3.000 €. J’ai compris qu’il y avait un vrai business. La télé n’avait pas pensé à signer l’image des candidats sur les réseaux sociaux. Personne ne s’occupait de ces gens-là. C’était des déchets. Aujourd’hui, je leur fais gagner des sommes astronomiques.»

60 salariés

Avec sa société Shauna Events, Magali emploie plus de 60 salariés pour un chiffre d’affaires d’environ 45 millions d’euros. En janvier, elle s’est installée à Dubaï, pour être au plus près de ses «enfants». La femme d’affaires gère leur carrière, leur image, négocie les contrats avec les marques, en échange de quoi ils lui reversent une commission de 30 %. Et l’appellent jour et nuit. Les crises de nerfs, jalousies, «clashes» sur Internet rythment son quotidien. Vivre en vase clos, à plus de 6.000 km de la France, a vite fait d’échauffer les esprits. Jessica Thivenin («Les Marseillais», 6 millions d’abonnés), qui s’autoproclame devant nous «fake de la tête au pieds», balance. «Créer du contenu différent devient de plus en plus difficile. Maintenant c’est la compétition de qui a la plus grosse voiture, le plus beau sapin, la plus grande maison. C’est trop.»

 Thibault Garcia et son épouse Jessica Thivenin («Les Marseillais»,  «Moundir et les apprentis aventuriers», «les Anges»...) posant chez eux,  avec leur fils Maylone

Assurer leurs arrières

Pour assurer leurs arrières, tous investissent dans la pierre… française ! Et profitent de la dolce vita dubaïote. Après un premier confinement très strict au printemps, les sept micromonarchies des Émirats arabes unis échappent à la 2e vague qui frappe l’Europe et les États-Unis. Politique de dépistage massive, port du masque obligatoire partout, prise de température à l’entrée de n’importe quel lieu et désinfection obsessionnelle, la courbe de l’épidémie est stabilisée. Des centaines de bars et de boîtes ont repris du service. Le roi de la fête, Jean-Roch, a flairé le filon. En mai, il a mis en vente son célèbre VIP Room parisien et s’est installé le 10 décembre avec sa femme et ses 3 enfants. «J’envisage d’ouvrir quelque chose ici. La vie en Europe est fermée, tout se passe à Dubaï maintenant.»

Le soir, c’est la nouba…

Effectivement, pour tenir le rythme, les habitués recommandent aux nouveaux arrivants de ne sortir qu’une seule fois par semaine. «La journée, c’est très strict», explique Tarek Benattia, le frère de Nabilla. «La nuit, p.. ça se lâche, ça se transforme.» La preuve le soir même, toute la petite famille des influenceurs se retrouve sur la terrasse du Wane by Somiya, le dernier bar à la mode avec une immense piscine à débordement qui surplombe la marina. Le rappeur Maître Gims s’y est produit à l’ouverture. Puis il y a eu son frère, le chanteur Dadju, Khaled… Écran géant, filles en tenue légère, «fire show» qui en met plein la vue… Officiellement, les consignes sanitaires sont strictes. Danser est interdit et on doit rester assis à sa table, dans la limite de huit convives maximum. Mais que le covid paraît loin ! Le champagne coule à flot, on chante sans masque et on se déhanche gentiment. Jusqu’à 3 h du matin. De quoi faire fantasmer les Français, en doudounes, toujours soumis au couvre-feu et, dans certaines régions, au confinement.

(*) Une société freezone est une société domiciliée dans une des zones franches à Dubaï ou dans l’un des Émirats arabes unis. Ce type de société permet de faire du commerce au niveau mondial sans avoir à s’associer avec un Émirati.

Cet article est paru dans le Télépro du 25/03/ 2021. Texte d’une envoyée spéciale à Dubaï : Juliette PELERIN – Photos : Ilan DEUTSCH

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