Harvey Weinstein coupable d’agression sexuelle et viol, « nouvelle ère » pour le mouvement #MeToo

Harvey Weinstein (c) arrive au tribunal de New York avec ses avocats, le 24 février 2020 © AFP Johannes EISELE

L’ex-magnat d’Hollywood Harvey Weinstein a été reconnu coupable lundi d’agression sexuelle et de viol, mais a évité une condamnation pour les accusations les plus graves, un verdict immédiatement salué comme « une nouvelle ère » de justice par le mouvement #MeToo.

Harvey Weinstein, 67 ans, qui a été écroué et connaîtra sa peine le 11 mars, est désormais passible de 25 ans de prison et de quatre autres pour ces deux faits. Son avocate a annoncé qu’il fera appel.

Le jury l’a disculpé de la circonstance aggravante de comportement « prédateur », qui aurait pu lui valoir la prison à vie.

Il s’agit de la première reconnaissance de culpabilité dans une affaire post-#MeToo, celle de l’acteur Bill Cosby résultant de poursuites entamées en 2015, avant que le mouvement anti-agressions sexuelles ne commence en octobre 2017.

Ce verdict « change le cours de l’histoire » dans la lutte contre les violences sexuelles, a affirmé le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, à la sortie du tribunal.

C’est le début « d’une nouvelle ère de justice », a abondé la présidente du mouvement Time’s Up, Tina Tchen, dans un communiqué.

« C’est un verdict mitigé, un compromis », qui permet « aux deux parties de revendiquer une espèce de victoire », a cependant analysé Bennett Gershman, professeur de droit à l’université Pace et ancien procureur.

Harvey Weinstein a toujours démenti toute forme d’agression sexuelle, affirmant que toutes ses relations sexuelles étaient consenties.

Ce verdict de culpabilité partiel concrétise la chute de celui qui fit la pluie et le beau temps dans le monde du cinéma indépendant durant un quart de siècle.

Le jury a mis cinq jours pour parvenir à une décision à l’unanimité sur certains chefs d’accusation, condition nécessaire pour prononcer un verdict.

Les jurés devaient se déterminer sur le témoignage de trois femmes, parmi les plus de 80 qui ont accusé Harvey Weinstein de harcèlement ou d’agression sexuelle.

Au final, le jury ne l’a jugé coupable que des deux chefs les moins graves, l’agression sexuelle de l’ancienne assistante de production Mimi Haleyi, en 2006, et le viol de l’aspirante actrice Jessica Mann, en 2013.

Il a, en revanche, disculpé le producteur d’un chef de viol plus grave lié à Jessica Mann, et surtout de la circonstance aggravante de comportement « prédateur ».

Le jury a aussi jugé le co-fondateur du studio Miramax non coupable du viol de l’actrice Annabella Sciorra, durant l’hiver 1993. Ce viol présumé, bien que prescrit, pouvait seul déclencher la circonstance aggravante.

– « Un impact énorme » –

Tout au long du procès, la défense avait cherché à discréditer le récit des trois femmes.

Les avocats d’Harvey Weinstein ont produit une série de courriers électroniques montrant que Mimi Haleyi et Jessica Mann avaient maintenu le contact, de leur propre initiative, avec l’accusé après les faits présumés.

Dans le cas de Jessica Mann, la victime présumée a même concédé avoir eu des relations sexuelles sans opposition avec Harvey Weinstein jusqu’en 2016.

« Ce n’était pas une relation », avait martelé la procureure Joan Illuzzi-Orbon. « Jessica Mann était la poupée de chiffon d’Harvey Weinstein. »

Mimi Haleyi a elle raconté avoir eu un rapport sexuel initié par l’accusé deux semaines environ après le viol présumé, sans manifester de résistance.

Jessica Mann a dit avoir maintenu des relations avec l’ancien magnat du cinéma par « peur », tandis que Mimi Haleyi a expliqué qu’il s’agissait pour elle de maintenir une « relation professionnelle ».

La défense avait cherché à dépeindre deux femmes opportunistes, prêtes à se soumettre aux caprices du producteur, voire à ses pulsions sexuelles, pour tenter de mettre un pied à Hollywood.

Les avocats d’Harvey Weinstein avaient aussi laissé entendre que les deux plaignantes avaient témoigné par intérêt, pour augmenter leurs chances d’obtenir du producteur des dommages et intérêts une fois celui-ci condamné.

« Elles ont sacrifié leur dignité, leur intimité, leur quiétude dans l’espoir de faire entendre leur voix » au procès, leur avait opposé la procureure.

« Pour les femmes qui ont témoigné dans ce dossier et vécu un enfer traumatique, vous avez rendu un service public aux filles et femmes du monde entier », a tweeté lundi la comédienne Ashley Judd, qui affirme qu’Harvey Weinstein l’a harcelée sexuellement en 1997.

Ce verdict de culpabilité pourrait constituer un tournant pour le mouvement #MeToo, mais aussi pour la jurisprudence de ce type d’affaires, qui donnent très rarement lieu à des condamnations.

« Cela va avoir un impact énorme », a prédit Bennett Gershman, professeur de droit à l’université Pace de New York.

M. Weinstein doit encore répondre d’une autre inculpation pour deux agressions sexuelles à Los Angeles, annoncée début janvier.

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