«L’Incroyable histoire du facteur Cheval» : les petites pierres font les grands palais…

Le facteur sous les traits de Jacques Gamblin dans le film réalisé en 2017 © France 3/Fechner Films / SND - Groupe M6 / Fidélité Films/Fechner BE/BeTV-VOO/Finaccurate/Auvergne Rhône-Alpes Cinéma

Il voulait réaliser l’impossible. Le facteur Cheval accomplit son rêve au début du XXe siècle en bâtissant son Palais idéal, encore admiré de nos jours.

«Il avait une grandeur d’âme singulière», dit a Laetitia Casta qui joue la seconde épouse de l’étrange artiste dans le biopic «L’Incroyable histoire du facteur Cheval» (lundi, 21h05, France 3). «Sa singularité et sa fragilité étaient une force, pas une faiblesse. Il n’a jamais eu peur d’être lui-même.» Retour sur la vie d’un préposé au courrier dont l’œuvre, classée au patrimoine national français, reçoit 150.000 visiteurs par an !

Pierre d’achoppement

Le hameau de Hauterives, dans la Drôme, garde la trace d’un de ses plus humbles et plus étonnants habitants : Joseph Ferdinand Cheval. Né en 1836, ce reclus taiseux a du mal avec les liens sociaux mais n’est pas un mauvais bougre. Bousculé par la vie, ce jeune veuf a vu l’un de ses deux fils mourir prématurément. Pauvre, il est apprenti-boulanger puis facteur, un métier lui permettant de s’adonner à la rêverie lors de ses tournées. Philomène, sa seconde épouse, lui redonne goût à la vie en l’acceptant tel quel : sauvage mais sage… Un matin, Ferdinand trébuche sur une pierre qu’il nommera sa «pierre d’achoppement». Séduit par sa forme, il la met en poche. Cela deviendra une habitude au fil de ses tournées, qu’il effectue avec une brouette. La naissance de son unique fille, Alice, l’amène à édifier, avec ses pierres, une œuvre visualisée dans un songe. Après ses 10 heures de travail quotidien, il en consacre autant à ramasser des galets pour créer son «palais idéal».

Il exprime son amour

Les villageois rient de ce fou. Les scientifiques qui l’étudieront plus tard y verront un autiste Asperger, doué pour l’art. Faisant fi des moqueries, Cheval poursuit son œuvre en la décorant de messages personnels ou philosophiques. Ses carnets révèlent son obsession : «Avec ce rocher, je veux prouver ce que la volonté peut accomplir. (…) Fils de paysan, je veux montrer que dans ma catégorie il y a aussi des hommes de génie et d’énergie». L’acteur Jacques Gamblin, qui l’incarne dans le biopic, nous a confié être bouleversé par cette passion : «Il a vécu des événements dramatiques, de terribles émotions. N’ayant pas envie de parler, il s’est exprimé dans son toucher de la pierre, de la terre et sa façon de marcher. Lorsqu’on le voit déambuler seul, il est malhabile, comme Chaplin. Sa maladresse est poétique ! Ce n’est pas parce qu’il a du mal à approcher sa femme et sa fille, qu’il ne ressent rien. Cheval a dit tout son amour avec son immense palais !»

Courage sans limites

De jeunes artistes surréalistes – André Breton, Picasso, Max Ernst -, l’admirent. Ernst lui dédiera, après sa mort, un magnifique tableau : «Le Facteur Cheval». Outre la beauté de son édifice, on retiendra de Ferdinand son incroyable courage. Car sa fille Alice décèdera à 14 ans avant qu’il ait terminé son édifice. Dévasté, il poursuivra et terminera son œuvre ayant demandé 93.000 heures de labeur ! À l’automne de sa vie, son souhait d’y être inhumé lui étant refusé, il construira son «Tombeau du silence et du repos sans fin» dans le même style unique. Son repos viendra en 1924, à 88 ans. Cette œuvre ultime sera aussi classée aux monuments historiques en 2011.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 01/04/2021

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