Pour Bianca Jagger, les beaux discours sur le climat ne suffisent pas

Pour Bianca Jagger, les beaux discours sur le climat ne suffisent pas
AFP

Engagée de longue date en faveur des droits de l’homme et de l’environnement, Bianca Jagger aborde sa sixième conférence climatique d’humeur sombre, et en colère. Contre la France qui n’autorise pas les défenseurs du climat à défiler. Contre les Etats incapables d’appliquer leurs discours pourtant « exceptionnels ».

Sa Fondation a lancé juste avant la COP21 une pétition pour réclamer un accord « à la hauteur » des enjeux, qui a recueilli plusieurs milliers de signatures dont celles d’intellectuels, leaders d’opinion ou artistes, comme Desmond Tutu, Catherine Deneuve, Norman Foster, Yoko Ono.

La première épouse de Mick Jagger, prix Nobel alternatif 2004, assistera à la COP jusqu’à son terme, le 11 décembre.

Q: Pourquoi vous être engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique?

R: « Je suis née au Nicaragua, où j’ai connu la dictature, et j’en suis partie pour étudier les sciences politiques à Paris. Les droits de l’Homme ont toujours guidé mes engagements. Très vite j’ai vu que la question du climat, l’accès à l’eau, à un environnement sain étaient des droits fondamentaux. Au Nicaragua, au Brésil, au Pérou, en Inde… je soutiens les peuples dans leur combat contre les projets miniers, pétroliers, les barrages géants…

Aujourd’hui nous sommes en +état d’urgence climatique+. Il faut se remémorer les paroles de Churchill à la veille de la 2e Guerre mondiale: +Le temps de la procrastination, des demi-mesures, touche à sa fin. Nous entrons dans le temps des conséquences+. Je pense que nous entrons aujourd’hui dans +le temps des conséquences+.

Cela fait 21 ans que la convention de l’ONU sur le climat a été adoptée, combien de temps encore faudra-t-il pour agir? C’est la fin de la route, et il n’y a pas de plan B. »

Q: Quel est votre sentiment sur le début de cette conférence de Paris?

R: « C’est formidable d’avoir de beaux discours, et 150 chefs d’Etat à Paris, les présidents Hollande, Obama, les principaux leaders européens qui font ces propositions exceptionnelles. L’allocution du président Hollande en particulier était tellement juste.

Mais si ces dirigeants ne produisent pas d’engagements nous permettant de garder la hausse des températures sous 2°, c’est une perte de temps.

Aujourd’hui les engagements nous mènent vers un réchauffement de 3°! Alors nous ne pouvons plus prétendre que nous faisons tout pour sauver la planète et empêcher un dérèglement catastrophique. Je répète ce mot +catastrophique+ car il faut que tous, nous arrêtions de nous faire des illusions.

Les dirigeants sont venus, ils ont parlé, maintenant ils sont partis et nous avons les négociations menées à un niveau inférieur, et je ne pense pas que beaucoup plus sera accompli. Les ONG ont réussi à faire entendre au monde qu’il fallait renoncer aux énergies fossiles. Mais malheureusement, je ne pense pas que nous fassions ce qu’il faut pour éviter la débâcle ».

Q: D’où les progrès peuvent-ils venir alors?

R: « Il y a des initiatives incroyables, de la société civile, de régions, d’entreprises… Mais nous avons besoin de changements fondamentaux, qui demanderont des sacrifices et auxquels il faut réfléchir.

Et je veux ajouter une chose. Après les terribles attentats de Paris, il était très important de venir ici, dire notre solidarité. Mais aujourd’hui je crains que la liberté d’expression ne soit étouffée: nous ne pouvons pas avoir de marche, nous n’avons pu exprimer nos préoccupations quant au processus de négociation.

Alors j’espère que le gouvernement français reconsidérera sa décision (d’interdiction de manifester le 12 décembre, ndlr) et nous autorisera, et autorisera les jeunes, à exprimer leurs attentes ».

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