Stars à lunettes…

La monture noire de myope de Colin Firth le rend encore plus séduisant... © Isopix

Les lunettes sont devenues un accessoire, une touche stylisée pour compléter un look. Que l’on porte pour se cacher… ou pour se montrer ?

Il fut un temps où même ceux qui portaient des verres foncés protecteurs par nécessité étaient taxés de «frimeurs». Désormais, les lunettes sont aussi des accessoires de mode affectionnés tant par les célébrités que par les fashionistas lambda. Fini la caricature d’Agnan, pote du «Petit Nicolas» et «tête à claques» première de classe, place à l’allure «Joe Cool» à l’instar de Snoopy, à la fois philosophe et dilettante !

L’accessoire indispensable

Pas folles les guêpes : après les sacs à main, le maquillage, le prêt-à-porter et les chaussures, les demi-sœurs de la starlette Kim Kardashian, Kendall et Kylie Jenner, ont lancé, en 2019, leur propre collection de lunettes optiques et solaires, Kendall + Kylie Eyewear. En association avec une marque célèbre. Les mannequins et influenceuses, avec leurs millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, sont évidemment de magnifiques porte-parole pour la chaîne d’opticiens.

Une part de mystère…

Les binocles ont une telle importance qu’ils ont été étudiés par Vanessa Brown, de l’université de Nottingham et auteure de «Cool Shades» (ombres cool, ndlr). Les premières lunettes correctrices seraient apparues en 1200 et immortalisées pour la première fois par un tableau de Tommaso da Modena en 1352. «Et les lunettes de soleil sont devenues populaires dans les années 1920 avec les bains de soleil», explique Vanessa Brown au Irish Times. «Ce n’est qu’en 1938 qu’a eu lieu la transition vers le « cool ». La première photo de mode avec lunettes de soleil figure dans le Harper’s Bazaar de cette année-là ! Au milieu du siècle, la plupart des gens en Grande-Bretagne et aux États-Unis en avaient au moins une paire!»

Leur succès grandissant s’explique, selon elle, par «leur potentiel de glamour, de mystère et de fraîcheur». Par ailleurs, «les montures ajoutent une structure osseuse instantanée, un agrandissement des yeux et une symétrie parfaite au visage». Or, cette dernière qualité a toujours été, tests à l’appui, un signe de beauté. Même les bébés sont plus attirés par des visages aux traits harmonieux et équilibrés.

Oser et en jouer !

Pas étonnant qu’une monture bien choisie améliore le charme. Et que les stars de l’âge d’or hollywoodien s’en soient vite emparées : rondes pour Bette Davis, style mouches pour Audrey Hepburn ou «cat’s eyes» (yeux de chat) pour Marilyn Monroe. Ce modèle revisité en «oversize» par Balenciaga a séduit Kim Kardashian, puis Nicole Kidman dont l’allure étonnante, en juillet 2022, a défrayé la chronique. Il fallait oser! L’actrice australienne a aussi arboré des lunettes à verres correcteurs au cinéma : discrètes dans «L’Interprète» (2005) et cerclées dans «Eyes Wide Shut» (1999). L’actrice y baisse sa monture pour lancer, par-dessus, un regard sexy montrant combien cet accessoire peut faire pleinement partie de la dramaturgie.

Meryl Streep le démontre dans de nombreux rôles où ses habits, sa coiffure et ses binocles enrichissent le personnage. Amanda Hess, du Washington Post, note : «La moitié du jeu de Meryl Streep est une affaire de lunettes ! (…) C’est incroyable de voir combien de fois elle a construit ses performances sur leurs formes. (…) Dans « Le Diable s’habille en Prada » (2006), il ne se passe guère de scène sans qu’elle ne s’en serve, (…) les ajustant avec mépris lorsqu’elle disparaît dans une limousine ou abaissant une paire de lecture pour scruter impitoyablement sa nouvelle stagiaire!»

Le noir leur va si bien

À l’écran, la monture noire de myope crée un look d’intello derrière lequel se cache souvent une personne héroïque insoupçonnée – Christopher Reeves en Clark Kent alias «Superman», Sandra Bullock en «Miss Détective», Anne Hathaway dans «Princesse malgré elle». Il suffit de les ôter pour voir venir un rebondissement de taille! Ce modèle peut aussi être synonyme d’élégance ou de fantaisie, surtout pour les Britanniques. De Mike Myers («Austin Powers») à Colin Firth, encore plus séduisant dans «A Single Man» (2009) ou «Kingsman : Services secrets» (2014), les acteurs assument ce port épais depuis Michael Caine, icône du «Swinging London» qui, ayant besoin de verres correcteurs à la ville, les a gardés dans «Ipcress, danger immédiat» (1965), une saga de cinq films d’espionnage. Mais bizarrement, le plus jeune intello du 7e art anglais n’en veut plus: Daniel Radcliffe, trop associé à «Harry Potter», préfère désormais «des lentilles de contacts ou des lunettes triangulaires juste pour faire la différence!»

La vie en couleurs

D’autres fans de binocles, artistes et excentriques en tête de gondole, affectionnent les verres colorés, comme Brad Pitt, Robert Downey Jr., Johnny Depp, Tim Burton ou, en France, Gérard Lanvin. Coquetterie pour certains – au point que le magazine GQ s’est moqué de Downey Jr. -, ces binocles sont protectrices pour d’autres. Bono, du groupe U2, a confié à la BBC: «Je souffre d’une maladie chronique. Un glaucome rend mes yeux très sensibles à la lumière et m’oblige à porter des lunettes.»

Quant à Elton John, il est devenu, au fil du temps et de ses créations, indissociable de ses montures, toutes plus folles les unes que les autres. La star en aurait tellement (environ 250.000) que son équipe ne sait jamais lesquelles seront choisies avant de monter sur scène et qu’il est nécessaire de leur réserver une pièce entière à 16 degrés, dans les hôtels, les verres se conservant mieux à cette température !

Stars fragiles

Mais les lunettes de soleil restent les plus prisées. Anna Wintour, papesse de la mode, reconnaît en porter afin de garder une certaine distance avec autrui. Pour l’acteur Jack Nicholson: «Avec des lunettes de soleil, je suis Nicholson. Sans elles, je suis juste gros et vieux !» Parmi les hommes célèbres, beaucoup en portent pour paraître encore plus star – Tom Cruise aime les RayBan («Risky Business», «Top Gun») – ou créer un personnage de scène, comme Bashung à ses débuts, F.R. David dans les années 1980, Johnny Hallyday ou Gainsbourg quand il se muait en Gainsbarre. Michel Polnareff, qui n’a plus jamais quitté ses montures blanches depuis les sixties, a été interrogé sur son choix par l’ORTF, juste après avoir sorti ses affiches de concert où il avait baissé son pantalon : «Pourquoi je montre plus mon derrière que mes yeux ? Parce que c’est ce que j’ai de plus fragile!»

Vanessa Brown conclut: «Les lunettes sombres jouent avec la vérité et le mensonge, la vulnérabilité et l’invincibilité, le spectacle et la dissimulation, l’attirance et l’évitement. Il y a tant de raisons que tout dépend de qui les porte, quand et où…»

Cet article est paru dans le Télépro du 16/03/2023

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