William Friedkin, l’homme qui ne s’aimait pas

Ce documentaire montre comment Friedkin s’est fait le témoin à la fois cynique et enjoué de son époque troublée © Isopix

Technicien de télévision devenu cinéaste-culte, ce personnage atypique s’étonne encore de sa carrière. William Friedkin est à découvrir dans un documentaire diffusé un dimanche 23.25 sur Arte, «Friedkin Uncut».

Depuis «L’Exorciste», son plus grand succès au cinéma, William Friedkin (84 ans) est un réalisateur inclassable. Arte offre, ce dimanche, l’occasion de passer en revue son parcours en dents de scie, commenté par l’intéressé en personne.

Le goût du danger

Les cinéphiles en herbe ne le savent peut-être pas : il fut un temps où Friedkin était aux yeux du nouvel Hollywood (celui des seventies) un metteur en scène de la même envergure que son idole, Orson Welles, auteur du mythique «Citizen Kane». William, lui, gagna sa réputation de novateur avec «French Connection» qui lui valut, en 1971, d’être le plus jeune bénéficiaire de l’Oscar du meilleur réalisateur.

À 36 ans, le non-conformiste vient de proposer, avec ce récit de deux flics poursuivant des trafiquants, un cinéma aux plans inédits. Ex-employé de la télé, il a le sens du documentaire et filme ses acteurs (Gene Hackman, Roy Scheider) sans filtre, dans de larges cadres. Toujours dans un souci d’authenticité, il les prie de fréquenter de vrais policiers, avant le tournage. Et, lors des prises de vues, décide soudain de mettre en exergue une course-poursuite mémorable en la suivant avec des caméras portatives dans les rues de New York. Et sans avoir ni demandé ni obtenu au préalable l’autorisation des autorités afin que l’on sécurise ces artères !

Ne laisser aucune empreinte

Avec son besoin d’adrénaline mâtiné d’insouciance, le cinéaste accepte ensuite d’adapter le roman de W.P. Batty : «L’Exorciste». Il dira plus tard ne pas avoir eu conscience de la subversivité de l’œuvre : «Pour moi, c’était la mésaventure d’une fille aux prises avec un démon. Je n’avais pas l’intention d’en tirer une fiction d’épouvante.»

Sorti en 1973, son ovni garde le titre de «film le plus rentable de tous les temps» durant deux ans. Provoquant hystérie, vomissements ou évanouissements parmi les spectateurs, l’œuvre lance un débat national sur la censure des obscénités et des trucages horrifiques.

William Friedkin n’en a cure et poursuit une carrière éclectique, même si celle-ci se révèle alors moins triomphante. Alternant les genres – comédie, drame, thriller -, il conserve un intérêt pour «l’obscurité que tout être porte en lui». Peu à peu, le réalisateur disparaît de l’avant-scène, sans s’étonner ni se plaindre : «Je ne suis pas un auteur, mais un type qui a eu beaucoup de chance de bosser pour le 7e art. Je n’ai pas voulu laisser une empreinte, mais juste relater des aventures qui m’intriguaient.»

Désormais metteur en scène d’opéras, il déplore les goûts actuels : «Les studios et le public qui veulent des fantasmes, des suites, des adaptations de jeux vidéo au lieu de bons récits, me déçoivent. Jadis, nos budgets serrés nous orientaient vers des solutions simples, plus axées sur les personnages que les effets spéciaux.» À la recherche de vrais frissons, sans doute…

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 28/5/2020

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